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Nettoyer le Gange, devenu un immense égout, défi d'ampleur pour Modi

Un jeune indien nage dans les eaux polluées du Gange le 26 juin 2014 à Kanpur, l'un des sites les plus pollués du fleuve [Sanjay Kanojia / AFP] Un jeune indien nage dans les eaux polluées du Gange le 26 juin 2014 à Kanpur, l'un des sites les plus pollués du fleuve [Sanjay Kanojia / AFP]

Venu célébrer son triomphe électoral sur les bords du Gange, le Premier ministre indien Narendra Modi a promis de réussir là où nombre de ses prédécesseurs ont échoué: nettoyer le fleuve sacré des hindous devenu un immense égout.

De la part d'un dirigeant connu pour ses hautes ambitions, il s'agit d'une promesse audacieuse mais calculée que de s'engager à améliorer l'état de ce fleuve que lui-même qualifie de "mère".

Y parvenir renforcerait encore son prestige auprès de ses partisans hindous et constituerait une preuve tangible de sa réputation de dirigeant à poigne, image largement utilisée pendant la campagne électorale.

Nulle part le défi ne semble plus insurmontable qu'à Kanpur, à environ 500 km au nord de New Delhi, connue pour son industrie du traitement du cuir.

Le Premier ministre tout juste élu de l'Inde Narendra Modi (4e d) effectue une série de rituels hindous sur les bords du Gange, à Varanasi, le 17 mai 2014 [Roberto Schmidt / AFP/Archives]
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Le Premier ministre tout juste élu de l'Inde Narendra Modi (4e d) effectue une série de rituels hindous sur les bords du Gange, à Varanasi, le 17 mai 2014

Le fleuve que les Hindous croient capable de purifier des péchés sert de conduit d’égout géant où se retrouvent les excréments à peine retraités de cinq millions d'habitants et des millions de litres de déchets industriels chimiques.

Des pèlerins continuent de braver le danger d'une immersion dans cette eau où le taux de coliformes fécaux peut atteindre 200 fois la limité autorisée, selon les autorités locales.

Mais ils sont de plus en plus découragés. Vijay Nishad, qui transporte les pèlerins sur l'eau depuis plus de 15 ans, explique que son activité souffre de cette pollution.

"Environ 100 à 200 personnes sont venues pour se baigner ce matin mais elles sont reparties sans mettre un pied dans l'eau à cause des poissons morts et de l'odeur terrible", dit-il à l'AFP.

Plongeant la main dans l'eau boueuse, il en sort un poisson flottant sans vie à la surface.

- Rien n'a changé -

Le Gange serpente sur 2.500 km à travers le nord de l'Inde, depuis l'Himalaya jusqu'au Golfe du Bengale, traversant un bassin de 400 millions de personnes environ représentant un tiers de la population indienne.

Une petite fille, qui souffre d'une maladie de peau attribuée à la pollution des eaux du Ganges, pose devant sa maison à Kanpur, en Inde, le 26 juin 2014 [Sanjay Kanojia / AFP]
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Une petite fille, qui souffre d'une maladie de peau attribuée à la pollution des eaux du Ganges, pose devant sa maison à Kanpur, en Inde, le 26 juin 2014

Kanpur est l'un des quatre sites les plus pollués du fleuve, aux côtés de Varanasi (Bénarès), ville qui a élu en mai Modi pour la représenter au Parlement.

Rakesh K. Jaiswal, fondateur de l'association Eco-Friends à Kanpur, estime que Kanpur produit 500 millions de litres de rejets par jour pour une capacité de traitement de seulement 160 millions de litres.

Tout en espèrant que Modi tiendra sa promesse, Jaiswal reste sceptique.

Le premier projet de nettoyage du fleuve sacré remonte à 1986 quand fut lancé le "Ganga Action Plan". Des milliards de roupies ont été consacrées au nettoyage du fleuve depuis 30 ans en vain, selon les défenseurs de l'environnement.

Le nouveau gouvernement a promis un budget de 20,4 milliards de roupies (250 millions d'euros) pour une nouvelle "mission Gange".

- Rejets toxiques des tanneries -

Dans le quartier des tanneries, activité principale de la ville depuis le début du XXe siècle, une odeur de chair en décomposition parfois accablante sature l'air.

Les employés, la plupart des journaliers illettrés, travaillent pieds nus sans équipement de protection pour dépecer les animaux. Les peaux sont passées au blanchiment chimique, à la coloration et au séchage.

Ces ateliers rejettent des eaux toxiques noires, bleu ou parfois jaunes directement dans le fleuve.

Des ouvriers déchargent des peaux de buffle destinés aux tanneries de cuir, premiers responsables de la pollution du Gange, le 26 juin 2014 dans la région de Kanpur, en Inde [Sanjay Kanojia / AFP]
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Des ouvriers déchargent des peaux de buffle destinés aux tanneries de cuir, premiers responsables de la pollution du Gange, le 26 juin 2014 dans la région de Kanpur, en Inde

L'industrie du cuir est largement aux mains des musulmans et le nettoyage du fleuve instamment demandé par des nationalistes hindous, donnant une teinte religieuse à la promesse gouvernementale.

Environ 400 tanneries, légales ou non, produisent 50 millions de litres de rejets par jour, dont seulement neuf millions sont traités, selon le responsable d'Eco-Friends.

Les métaux lourds et d'autres polluants tuent toute vie dans la rivière et entrent dans la chaîne alimentaire par le biais de l'irrigation et les poissons consommés par les habitants des villages.

"Le projet du gouvernement Modi est certainement un bon signe", estime Neeraj Srivastava, qui coordonne les efforts de l'administration locale pour nettoyer le fleuve.

"Beaucoup a été essayé depuis 1986 mais je pense qu'il manquait un effort coordonné et une gestion technique", dit-il à l'AFP.

- Un désastre de santé publique -

A Jaana, village pauvre de la banlieue de Kanpur, 30 ans d'inaction en matière de santé publique ont des effets visibles.

Malti Devi, femme au foyer de 33 ans, explique avoir vu apparaître d'importantes éruptions cutanées peu après avoir emménagé ici.

"C'est devenu grave et j'ai maintenant des éruptions permanentes sur tout le corps", dit-elle en montrant des plaies rouges sur ses bras, son estomac, le haut du dos et le cou.

Des médecins de la région corroborent leurs affirmations, estimant que leurs maux sont bien dus au contact avec l'eau.

Pour Devi, le projet de Modi est le bienvenu mais "je doute qu'il se passe quelque chose", ajoute-t-elle.

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