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Levée de boucliers contre l'exil fiscal des multinationales américaines

Le siège de Pfizer à Manhattan le 5 mai 2014 à New York  [Spencer Platt / Getty/AFP/Archives] Le siège de Pfizer à Manhattan le 5 mai 2014 à New York [Spencer Platt / Getty/AFP/Archives]

Les multinationales américaines sont de plus en plus nombreuses à s'exiler fiscalement à l'étranger à la faveur de fusions-acquisitions et afin d'échapper à l'impôt aux Etats-Unis, au grand dam de l'administration Obama.

"C'est le comble de l'absurdité économique mais c'est avant tout le symptôme des difficultés du système fiscal américain", analyse pour l'AFP Pascal Saint-Amans, directeur de la division fiscale à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Baptisée "corporate inversion", la technique repose sur un principe aussi simple que légal: une entreprise qui rachète une rivale à l'étranger peut y installer son siège social et fiscal tout en conservant ses activités et ses structures de direction aux Etats-Unis.

"C'est la technique la plus simple et flagrante d'évitement fiscal", assure à l'AFP Franck Clemente, auteur d'un récent rapport sur la question pour l'organisation Americans for tax fairness.

Des poids lourds de l'industrie pharmaceutique (Medtronic...) ou agro-alimentaires (Chiquita Brands...) se sont engouffrés dans la brèche et s'apprêtent à se domicilier fiscalement en Irlande où l'impôt sur les sociétés (12,5%) est quasiment trois fois moins élevé qu'aux Etats-Unis (35%).

Les géants de la pharmacie Pfizer et Abbvie ont récemment tenté d'ajouter leur nom cette longue liste. Poids lourds de la vente de médicaments aux Etats-Unis, Walgreens serait lui aussi sur les rangs.

Le laboratoire pharmaceutique américain Mylan a, lui, franchi le pas en annonçant lundi le rachat d'activités à l'étranger de son compatriote Abbott et sa réorganisation en holding basée aux Pays-Bas.

La directrice générale de Mylan a défendu cette manoeuvre --qui pourrait ramener son taux d'imposition de 35% à 21%-- au nom de la "compétitivité", face à un système fiscal américain "défaillant".

"Certains pensent qu'il faut discuter des moyens de forcer les entreprises américaines à rester aux Etats-Unis, mais je crois que c'est à la fois infaisable et absurde", a estimé Heather Bresch, interrogée sur la chaîne CNBC.

-- Paralysie politique --

Le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew, le 1er juillet 2014 à Washington<br />
 [Saul Loeb / AFP/Archives]
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Le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew, le 1er juillet 2014 à Washington

Ulcérée par le potentiel manque à gagner fiscal, l’administration américaine a tapé du poing sur la table.

Mercredi, le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, a dénoncé "un détournement du système fiscal" et appelé les entreprises américaines à un "nouveau patriotisme économique".

Une réforme de ce système, contenue dans le projet de loi de budget de l’administration Obama pour 2015, est pour l'heure restée lettre morte.

Quatorze élus démocrates au Congrès ont tenté de ranimer la flamme en déposant fin mai une proposition de loi posant plusieurs garde-fous.

Selon ce texte, une entreprise née d'une fusion-acquisition ne pourra relever du droit fiscal étranger qu'à la condition que 50% de son capital soit détenu par de nouveaux actionnaires contre un seuil de 20% aux termes de la réglementation actuelle.

Les entreprises ne pourraient par ailleurs s'exiler fiscalement à l'étranger si "leur direction et leur structures de contrôle" restent aux Etats-Unis, selon ce texte.

"Le Trésor subit une hémorragie et nous ne pouvons pas attendre une réforme globale du code des impôts", estime l'un des parrains de la proposition de loi, le sénateur démocrate Carl Levin.

La paralysie du Congrès américain en cette année d'élections législatives rend toutefois hautement hypothétique tout accord avec l'opposition républicaine sur cette question.

Les milieux d'affaires américains ont, eux, un autre intérêt à maintenir le statu quo.

Cas isolé sur le globe, les Etats-Unis soumettent à l'impôt l'ensemble des bénéfices de leurs entreprises --y compris ceux engrangés hors de leur territoire-- mais leur permettent d'en stocker une partie à l'étranger, indéfiniment et hors de portée du fisc.

En se domiciliant à l'étranger, les multinationales peuvent librement réintégrer ces bénéfices à leurs comptes sans devoir les rapatrier aux Etats-Unis où ils seraient taxés à hauteur de 35%.

Les montants amassés à l'étranger sont loin d'être anodins et s’élèveraient au total à plus de 2.000 milliards de dollars, selon le cabinet AuditAnalytics.

"Tant que le Congrès n'aura pas comblé cette faille, les entreprises continueront à l'utiliser", assure Franck Clemente.

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