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En Indonésie, les pauvres troquent des déchets contre des soins médicaux

Une jeune maman apporte un sac de déchets à la clinique Bumi Ayu dans l'île de Java en échange de soins pour son enfant, le 26 avril 2014 [Aman Rochman / AFP/Archives] Une jeune maman apporte un sac de déchets à la clinique Bumi Ayu dans l'île de Java en échange de soins pour son enfant, le 26 avril 2014 [Aman Rochman / AFP/Archives]

Mahmud apporte régulièrement des sacs de déchets à la petite clinique Bumi Ayu de Java, île la plus peuplée d'Indonésie. En échange, il se fait soigner grâce à un système qui permet aux pauvres d'avoir accès à des traitements médicaux.

"Ici, je sais que je peux monnayer mes déchets, alors je les mets de côté. Avant, je jetais tout dans la rue, mais j'ai commencé à me dire que les déchets étaient en fait utiles", raconte Mahmud, qui souffre d'arthrite.

Comme de nombreux pauvres qui n'ont pas les moyens de se soigner en Indonésie, Mahmud est l'un des nombreux patients de cette clinique à Malang, où les traitements médicaux se règlent avec des déchets ménagers et autres.

Peuplée de quelque 800.000 habitants, la ville de Malang dispose de cinq cliniques baptisées "Déchets Assurance Clinique" par son fondateur, Gamal Albinsaid. Cet homme de 24 ans a ainsi permis aux plus démunis d'accéder aux soins dans un pays où la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour, et qui manque cruellement de personnel médical bien formé.

Les habitants qui veulent se faire soigner dans l'une de ces cliniques doivent apporter des déchets une fois par semaine, le samedi. Ils doivent collecter pour au moins 10.000 roupies indonésiennes (60 centimes d'euros) de déchets par mois pour profiter de ce système permettant de bénéficier de deux consultations par mois.

Le docteur Gamal Albinsaid, fondateur des cliniques Bumi Ayu, est photographié le 26 avril 2014 dans celle de Malang, dans l'île de Java [Aman Rochman / AFP/Archives]
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Le docteur Gamal Albinsaid, fondateur des cliniques Bumi Ayu, est photographié le 26 avril 2014 dans celle de Malang, dans l'île de Java

La valeur marchande des déchets varie selon leur type, explique M. Albinsaid. Les déchets organiques peuvent être transformés en engrais vendus aux agriculteurs, tandis que d'autres matériaux comme le plastique ou le métal sont achetés par des sociétés qui les retraitent puis les revendent.

- Bénéfique pour l'environnement -

Outre l'accès aux soins, cette initiative a également été bénéfique pour l'environnement: de nombreuses personnes ont commencé à ramasser des déchets dans les rues de Malang, confrontée comme d'autres villes au problème de la propreté dans ce pays à forte expansion démographique.

C'est en 2010 que M. Albinsaid a décidé d'ouvrir le premier centre "Déchets Assurance Clinique", après avoir entendu que la fille d'un éboueur avait succombé à une diarrhée, sa famille n'ayant pas eu les moyens de lui payer un traitement médical. Mais il a fallu attendre jusqu'en 2013 pour réunir les fonds nécessaires. Aujourd'hui, Malang compte cinq centres médicaux qui fonctionnent bien, selon M. Albinsaid.

Une femme reçoit des médicaments le 26 avril 2014 à la clinique Bumi Ayu dans l'île de Java [Aman Rochman / AFP/Archives]
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Une femme reçoit des médicaments le 26 avril 2014 à la clinique Bumi Ayu dans l'île de Java

La clinique Bumi Ayu, qui emploie deux médecins, une infirmière et deux pharmaciens, est ouverte tous les jours. La plupart des patients sont des ouvriers agricoles qui travaillent dans les rizières entourant Malang, dans l'est de Java. Tension élevée, diabètes et gastroentérite figurent parmi les maux les plus fréquemment rencontrés, indique Efriko Septananda, l'un des médecins.

La majorité des patients, qui gagnent entre 500.000 et un million de roupies par mois (de 30 à 60 euros), auraient beaucoup de mal à trouver un bon traitement médical si la clinique ne leur permettait pas de se soigner en échange des déchets apportés, dit-il.

Des soins médicaux gratuits existent pourtant à Malang et dans d'autres régions d'Indonésie, mais l'accès est très compliqué et le processus très bureaucratique, observe M. Albinsaid.

Mahmud, lui, est content de son traitement à la clinique Bumi Ayu: "Avant, je ne me sentais pas bien, en particulier quand je devais me pencher pour la prière, mais maintenant, je peux prier normalement", explique cet habitant du plus grand pays musulman au monde -- 250 millions d'âmes -- où les écarts entre riches et pauvres se sont largement creusés ces dernières années.

Le système "Déchet Assurance Clinique" rencontre un succès, estime M. Albinsaid. Seuls 10 à 15% des personnes qui apportent chaque samedi des déchets à la clinique ont recours aux soins médicaux, les autres le faisant en cas de besoin. Cela permet à l'établissement d'avoir assez d'argent pour exploiter le centre et financer son développement, dit-il.

Après Malang, il compte développer ce système avec des projets d'ouverture de cliniques dans trois autres villes de l'archipel.

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