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L'offensive d'une maire contre "Dolly", quartier chaud d'Indonésie

Une prostituée dans une chambre du célèbre quartier chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014 [Juni Kriswanto  / AFP] Une prostituée dans une chambre du célèbre quartier chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014 [Juni Kriswanto / AFP]

Des prostituées aguichent la gent masculine sur fond d'appels à la prière provenant des minarets autour de "Dolly": ce célèbre quartier chaud d'Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, vit ses dernières heures après l'offensive d'une maire portant le voile.

La nuit, les rues étroites de "Dolly" grouillent de femmes aux tenues suggestives devant des bâtiments délabrés, souriant derrière les portes de bars karaoké et salons de massage à Surabaya, deuxième ville du pays, au coeur de l'un des plus grands quartiers chauds d'Asie du Sud-Est.

Mais ces activités sont appelées à disparaître à partir de mercredi, résultat de la croisade lancée par la maire, Tri Rismaharini, qui veut éradiquer la prostitution du quartier: "Nous devons libérer la population de l'oppression", a lancé Mme Rismaharini, créditée pour avoir développé cette ville et ayant de ambitions politiques à l'échelle nationale.

Une prostituée se cache le visage au passage d'un policier patrouillant dans le célèbre quartier chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014 [Juni Kriswanto / AFP]
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Une prostituée se cache le visage au passage d'un policier patrouillant dans le célèbre quartier chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014

Si la municipalité se vante d'être à l'origine du projet porté par la maire qui s'en prend aux lieux de prostitution depuis son arrivée au pouvoir en 2010, des leaders musulmans affirment eux avoir obtenu gain de cause en faisant pression sur les autorités locales.

"Dolly", un nom qu'aurait porté une femme néerlandaise qui exploitait un bordel durant la colonisation de l'Indonésie par les Pays-Bas, a pourtant été toléré pendant plusieurs décennies, alors que la prostitution est officiellement interdite. Mais la maire ne l'entend pas de cette oreille et a fixé la date du 18 juin -- soit trois semaines avant l'élection présidentielle -- pour vider le quartier de ses prostituées.

En guise de reconversion, les autorités proposent à chacune des quelque 1.400 prostituées environ cinq millions de rupiah (310 euros) et une formation à une nouvelle profession dans la boulangerie ou la fabrication de jouets en bois.

Si l'initiative de la municipalité de mettre fin au commerce du sexe à "Dolly" a été accueillie avec satisfaction par nombre d'habitants, le projet a provoqué la vive opposition des prostituées et d'autres personnes dont le travail dépend de la vie de ce quartier (taxis, vendeurs de rue).

"Immoral, comportement inhumain"

"Je ne vais pas accepter l'offre des autorités car j'ai vraiment besoin de ce travail", a déclaré Mawar, une prostituée assise sur un vieux sofa au club Barbara, l'un des plus anciens de "Dolly".

"Je ne pourrai jamais trouver un autre travail étant donné que je n'ai même pas fini l'école élémentaire", a-t-elle ajouté.

La prostituée, qui gagne de 10 à 13 million de roupiah (de 620 à 815 euros) par mois, explique qu'elle aura beaucoup de mal à subvenir aux besoins de ses deux enfants âgés de cinq et huit ans si elle doit quitter "Dolly".

Mercredi soir, la maire va faire une déclaration annonçant que "Dolly" est interdit aux prostituées, après quoi la police investira le quartier, selon des médias locaux.

Des prostituées manifestent dans les rues du quartier de chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014  [Juni Kriswanto / AFP]
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Des prostituées manifestent dans les rues du quartier de chaud de Dolly, à Surabaya en Indonésie, le 16 juin 2014

En conséquence, les prostituées, qui ont manifesté à plusieurs reprises ces dernières semaines, seront contraintes de partir le jour même, et celles qui viennent de villages à l'extérieur de Surabaya devront retourner chez elles.

Mais Lilik Sulistyowati, de l'ONG Yayasan Abdi Asih, qui vient en aide aux prostituées de la région, pense que l'intervention de la police dans ce quartier tentaculaire ne se fera pas dans le calme.

"Ils vont devoir lutter pour la fermeture", a déclaré à l'AFP Mme Sulistyowati, critiquant l'empressement des autorités à vouloir mettre fin à ces activités, ce qui aurait pu se faire sur plusieurs années, selon elle, pour permettre à ces femmes de s'orienter vers d'autres professions.

En dépit des inquiétudes, des leaders musulmans locaux estiment que la fin de "Dolly" sera une immense victoire après des années de pression pour arriver à ce résultat.

"La fermeture de 'Dolly' mérite de grands éloges", juge Abdusshomad Buchori, dirigeant local de la plus haute instance des musulmans du pays, le Conseil indonésien des oulémas.

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