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Afghanistan: la vallée du Panshir rêve d'un nouveau Massoud

Un char de fabrication russe hors d'usage devant la tombe de commandant Massoud, dans la vallée du Panshir, le 8 juin 2014 [Shah Marai / AFP] Un char de fabrication russe hors d'usage devant la tombe de commandant Massoud, dans la vallée du Panshir, le 8 juin 2014 [Shah Marai / AFP]

Ici souffle le souvenir du commandant Massoud, l'esprit de la résistance afghane aux forces soviétiques, aux talibans: c'est la vallée du Panshir. Samedi, ses habitants voteront pour celui qui sera, à leurs yeux, le plus à même d'incarner cet héritage.

Au sommet d'une colline aride, à trois heures de route au nord-est de Kaboul, se dresse le mausolée du commandant Ahmad Shah Massoud, assassiné le 9 septembre 2001, deux jours avant le 11-Septembre, par deux kamikazes d'Al-Qaïda se faisant passer pour des journalistes.

Une longue colonne de pierre abrite un majestueux tombeau de marbre noir décoré de fleurs rouges et entouré de grands tapis de laine.

A quelques mètres à l'extérieur, des carcasses rouillées de blindés soviétiques rappellent la lutte acharnée menée dans les années 1980 par les moudjahidines du commandant Massoud, surnommé - ici plus qu'ailleurs - le "Lion du Panshir".

"C'est le héros de l'Afghanistan", explique Moureed Alami, un étudiant de 26 ans venu avec des amis.

"Nous venons lui rendre hommage, lui offrir nos prières, comme tout le monde dans ce pays", poursuit le jeune homme, oubliant toutefois que certains Afghans sont moins tendres envers Massoud, notamment quant à son rôle dans la guerre civile de 1992-1996 qui dévasta la capitale afghane.

Samedi, pour le second tour de l'élection présidentielle qui désignera le successeur de Hamid Karzaï, Moureed aura le choix entre Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani. Mais il n'hésitera pas au moment de glisser son bulletin dans l'urne: Abdullah, le favori, fut le porte-parole de Massoud.

- Le Panshir tend les bras à Abdullah -

"Je voterai pour M. Abdullah. C'était un très bon ami de Massoud. Il a traversé les hauts et les bas de notre pays", dit le jeune homme.

De jeunes écolières afghanes dans les rues d'un village de la vallée du Panshir, le 8 juin 2014 [Shah Marai / AFP]
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De jeunes écolières afghanes dans les rues d'un village de la vallée du Panshir, le 8 juin 2014

"L'héritage de Massoud est connu dans le monde entier. Il prônait l'égalité, la démocratie, il voulait donner aux hommes et aux femmes la chance de pouvoir étudier, voter, travailler. M. Abdullah suivra ses traces", croit-il.

Dans cette province réputée imprenable et largement épargnée par l'insurrection des talibans, Abdullah Abdullah, dauphin de Hamid Karzai lors de la dernière présidentielle en 2009, est chez lui. Si son père est un Pachtoune, sa mère est tadjike, l'ethnie majoritaire dans le Panshir.

Début avril, Abdullah y a recueilli 87,3% des voix au premier tour (45% au niveau national), son plus gros score, contre seulement 0,4% pour Ashraf Ghani (31,6% dans le pays).

Son portrait trône sur les pare-brise des voitures, les vitrines des commerces, comme chez Ahmadullah, 34 ans, gérant d'une petite boutique de vêtements à Bazarak, la capitale provinciale.

"Il y a peut-être des partisans d'Ashraf Ghani ici, mais personnellement je n'en ai pas rencontrés", remarque ce père de cinq enfants, vêtu d'une longue chemise traditionnelle afghane.

Abdullah Abdullah "aurait dû gagner lors de la précédente élection en 2009, mais les fraudes lui ont volé la victoire. La seule chose qui peut l'arrêter maintenant, c'est la fraude", ajoute-t-il en répétant presque pour mot pour mot l'antienne du candidat sur les irrégularités.

- 'C'est un moudjahidine' -

Même son de cloche chez Abdul Rahman, patron d'un petit bazar au bord d'une route sinueuse. Ce cinquantenaire a perdu son pouce droit à cause d'une engelure lorsque, alors résistant à l'occupation soviétique dans les rangs du commandant Massoud, il se cachait dans les montagnes enneigées.

"Les gens voteront massivement pour Abdullah Abdullah d'abord parce que c'est un moudjahidine. Il est avec nous depuis très longtemps", déclare ce père de neuf enfants.

Abdullah Abdullah s'est d'ailleurs lui-même réclamé de cette lignée de combattants qui ont défendu le pays. "Les moudjahidines ont résolu les problèmes de l'Afghanistan au cours des trois dernières décennies. Et je suis fier de dire que j'ai marché avec eux", a-t-il déclaré lors de la campagne.

Un Afghan fabrique du pain traditionnel, dans un village de la vallée du Panshir, le 8 juin 2014 [Shah Marai / AFP]
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Un Afghan fabrique du pain traditionnel, dans un village de la vallée du Panshir, le 8 juin 2014

Mais malgré la confiance que semble lui inspirer son favori, Abdul Rahman peine à trouver des raisons d'espérer pour son pays.

Avec le retrait de la force de l'Otan, d'ici à la fin 2014, "il est possible qu'il y ait encore plus de violences. Le Pakistan soutient les talibans. Ils ne nous laisseront pas vivre en paix", soupire-t-il.

Le Panshir lui étant politiquement acquis, Abdullah Abdullah s'y rend surtout pour échapper aux circonvolutions de la politique afghane. Il y possède au bord de la rivière une grande et élégante demeure familiale dans le village de Dashtak, où, d'après son entourage, il vient se reposer plusieurs fois par mois.

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