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Argent, voyages, affaires : le détroit de Floride rétrécit pour les Cubains

Des étudiants cubains en vacances sur la plage Santa Maria à La Havane le 22 août 2010 [ / AFP/Archives] Des étudiants cubains en vacances sur la plage Santa Maria à La Havane le 22 août 2010 [ / AFP/Archives]

Mur politique entre Cubains depuis un demi-siècle, le détroit de Floride qui sépare Cuba de sa diaspora aux Etats-Unis rétrécit sous l'effet de l'assouplissement des voyages, des envois d'argent et des perspectives d'affaires, selon diverses études et analystes.

Le flux de voyageurs qui traversent dans les deux sens les 150 km du détroit de Floride atteint des records, tout comme l'argent et les biens qui viennent du nord pour être dépensés ou investis à Cuba.

"Les relations n'ont jamais été aussi diverses et riches" entre les 11 millions de Cubains de l'île et la diaspora des Etats-Unis - où vivent 1,5 million de Cubains avec leur descendance - résume pour l'AFP l'ex-diplomate cubain et professeur d'université Carlos Alzugaray.

Depuis que Cuba a ouvert la porte sur l'étranger en janvier 2013, quelque 300.000 voyages ont été enregistrés, dont plus du tiers vers les Etats-Unis, une hausse de 40% par rapport aux années antérieures.

En contrepartie, les Etats-Unis ont largement augmenté le nombre de visas délivrés aux Cubains, tout en élargissant leur validité à cinq ans avec des voyages multiples.

Des travailleurs cubains passent devant la façade d'une usine de cigares le 27 février 2014 à La Havane [Adalberto Roque / AFP/Archives]
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Des travailleurs cubains passent devant la façade d'une usine de cigares le 27 février 2014 à La Havane

Selon les chiffres publiés par la Section d'intérêts américaine à La Havane, qui fait office de consulat en l'absence de relations diplomatiques officielles entre les deux pays, les Etats-Unis ont délivré 19.500 visas - à 90% pour cinq ans et entrées multiples - pour le premier semestre de l'année fiscale (octobre 2013-mars 2014), en hausse de 27% par rapport à l'année précédente.

Dans le même temps, 11.250 visas ont été délivrés pour une émigration définitive, dans le cadre des accords d'émigration conclus en 1994 entre Cuba et les Etats-Unis, soit plus de la moitié du quota annuel.

Dans l'autre sens, selon The Havana Consulting Group, basé à Miami, quelque 173.550 passagers se sont rendus à Cuba au premier trimestre 2014, près de 9% de plus que le précédent record du dernier trimestre 2013. Ce nombre comprend des Cubano-Américains, des Américains et des Cubains revenant des Etats-Unis.

Depuis 2009, le président américain Barack Obama a libéré les envois d'argent de la communauté cubaine vers l'île, faisant de ces "remesas", avec plus de 2,5 milliards de dollars par an, la deuxième source de devises pour Cuba après l'exportation des services professionnels.

- Investissements familiaux dans l'île -

De nombreux voyageurs viennent à Cuba avec du capital qui va améliorer le quotidien des familles et servir à investir dans les petits commerces qui fleurissent à Cuba depuis l'ouverture du régime au secteur privé.

Vue de Varadero dans la province de Matanzas le 21 août 2010 [ / AFP/Archives]
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Vue de Varadero dans la province de Matanzas le 21 août 2010

Sans compter les téléviseurs, les machines à laver, les vélos et tous les équipements professionnels qui sont importés par ces voyageurs, mais qui échappent aux statistiques.

"On estime que plus de 50% des nouvelles petites entreprises qui se sont ouvertes à Cuba ont compté avec une participation financière de la famille ou d'amis résidant aux Etats-Unis", affirme à l'AFP Jorge de Armas, analyste pour le groupe CAFE (Cubano-Américains pour l'engagement), basé à Miami, qui milite pour le rapprochement des deux communautés.

Mais les "remesas" peuvent également être sociales ou culturelles, comme le souligne la sociologue cubaine Denisse Delgado dans une étude réalisée pour l'université catholique de San Antonio, en Espagne.

"Sur le plan social, il y a des transferts de compétences, des efforts de formation et d'éducation à la gestion, et sur le plan culturel des transmissions d'éléments identitaires, de valeurs et de styles de vie, entre les deux côtés du détroit", affirme la sociologue.

Ces échanges, estime-t-elle, transforment les Cubains, isolés géographiquement et culturellement depuis une demi-siècle, en "citoyens transnationaux".

"Les flux économiques et humains sont énormes. On pourrait presque penser à la formation d'une mini-région transnationale, comme il en existe par exemple entre Singapour et certaines parties de la Malaisie", estime Carlos Alzugaray.

"Ce rapprochement de deux modes de vie différents, en faisant coïncider les intérêts, est un fort moteur pour la réconciliation nationale", juge Jorge de Armas, "même s'il reste un secteur ancré dans l'anti-castrisme et dans la conviction que tout rapprochement est un soutien au régime communiste cubain".

"Nous ne serons pas moins nationalistes, mais sûrement plus ouverts et divers", se réjouit Carlos Alzugaray en jugeant ce processus de rapprochement "irréversible".

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