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Les espoirs déçus des capitaines de la Révolution des Oeillets

Vasco Lourenco pose avec un oeillet rouge, symbole de la révolution des oeillets au Portugal, à Lisbonne le 17 avril 2014 [Patricia de Melo Moreira / AFP] Vasco Lourenco pose avec un oeillet rouge, symbole de la révolution des oeillets au Portugal, à Lisbonne le 17 avril 2014 [Patricia de Melo Moreira / AFP]

"Depuis le début de la crise, on assiste tout simplement à la destruction des valeurs de la révolution", déplore le colonel Vasco Lourenço, l'un des principaux responsables du mouvement des capitaines qui a renversé il y a 40 ans la dictature salazariste au Portugal.

"Les objectifs de la révolution ont été atteints. Ce sont les partis politiques qui ont échoué ensuite", estime cet ancien capitaine, qui préside l'Association du 25 avril dont la mission est de défendre la mémoire de la révolution.

"L'Etat social, la santé, l'éducation, les retraites, tous les acquis sociaux de la révolution sont aujourd'hui menacés par les politiques d'austérité", déclare à l'AFP cet homme de 71 ans aux tempes chenues et à la carrure massive.

Selon lui, "le fossé entre les riches et les pauvres, qui s'était réduit après la révolution, ne cesse de se creuser à nouveau".

Vasco Lourenco pose avec un oeillet rouge, symbole de la révolution des oeillets au Portugal, à Lisbonne le 17 avril 2014 [Patricia de Melo Moreira / AFP]
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Vasco Lourenco pose avec un oeillet rouge, symbole de la révolution des oeillets au Portugal, à Lisbonne le 17 avril 2014

Le 25 avril 1974, les Portugais tournaient la page de 48 ans d'une dictature dirigée par Antonio Oliveira Salazar jusqu'en 1968, puis par Marcelo Caetano jusqu'à la chute du régime.

L'instauration de la démocratie s'est accompagnée de nombreuses conquêtes politiques et sociales: suffrage universel, liberté d'expression, égalité des droits entre les hommes et les femmes, droit de grève, création d'un salaire minimum, Sécurité sociale pour tous...

Vasco Lourenço a joué un rôle clé dans ce processus de transition. Il a été l'un des hommes forts du Mouvement des forces armées, qui a mené sans violence le coup d'Etat de 1974, pour mettre un terme à un pouvoir autoritaire, à bout de souffle après treize années de guerres coloniales.

 

- Des œillets rouges -

 

Le matin du 25 avril, Lisbonne se réveille au son des chars qui pénètrent dans la ville. Les jeunes militaires, accueillis avec enthousiasme par les Lisboètes, accrochent au bout de leurs fusils des oeillets rouges, une fleur de saison qui devient aussitôt le symbole de ce soulèvement pacifique.

Photo prise le 27 avril 1974 à Lisbonne de la foule et des militaires amassés devant la caserne de la garde républicaine où le Premier ministre Marcello Caetano, qui avait succédé en 1968 au général Salazar, a trouvé refuge pendant la révolution des oeillets [ / AFP/Archives]
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Photo prise le 27 avril 1974 à Lisbonne de la foule et des militaires amassés devant la caserne de la garde républicaine où le Premier ministre Marcello Caetano, qui avait succédé en 1968 au général Salazar, a trouvé refuge pendant la révolution des oeillets

Les années suivantes, le Portugal consolide sa démocratie. En 1986, le pays entre dans l'Union européenne et connaît un développement économique sans précédent, qui est freiné par le surendettement.

Le pays plonge alors dans une crise qui le pousse à demander en 2011 une aide financière à l'Union européenne et au Fonds monétaire international.

Vasco Lourenço jette un regard très critique sur la situation actuelle du pays, soumis par ses créanciers à un programme de rigueur draconien, qui expire le 17 mai prochain.

Toutes ces coupes drastiques dans les salaires des fonctionnaires ou les retraites "sont tout simplement du vol", proclame-t-il sans ambages.

Pour manifester leur opposition à ces politiques de rigueur, qu'ils jugent "contraires aux valeurs d'avril", les anciens capitaines boycotteront les commémorations officielles pour la troisième année consécutive.

 

- 'Un nouveau 25 avril' -

 

Cette année, leur éventuelle participation a été entourée d'une nouvelle polémique car les militaires ont exigé de prendre la parole à l'Assemblée de la République, ce qui leur a été refusé par les partis de la majorité de centre droit.

"Dans ces conditions nous n'irons pas au Parlement", a tranché Vasco Lourenço, qui fera une intervention au Largo do Carmo, l'emblématique place lisboète située en face de la caserne de gendarmerie où le dictateur Marcelo Caetano s'était rendu aux putschistes.

L'ancien président socialiste Mario Soares, considéré comme le père de la démocratie portugaise, a apporté son soutien à l'Association du 25 avril.

"Je serai du côté des capitaines. S'ils n'y vont pas, je n'irai pas non plus", a dit à l'AFP Mario Soares, 89 ans.

"Il ne faut pas oublier que nous leur devons la démocratie", a relevé l'ancien chef d'Etat, qui avait été chargé au sein du gouvernement provisoire, mis en place après la révolution, d'organiser l'indépendance des colonies africaines.

Plutôt "inquiet" sur l'avenir du pays, Vasco Lourenço affirme qu'il faudrait "une sorte de nouveau 25 avril, qui redonne espoir aux gens".

"Il faut un changement, c'est sûr, mais qui doit se faire selon les règles démocratiques", tient-il toutefois à préciser.

Vasco Lourenço n'en reconnaît pas moins que le "Portugal est aujourd'hui dans une situation infiniment meilleure" qu'en 1974.

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