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Valparaiso proie idéale des flammes

Quartier de Valparaiso, au Chili, détruit par les flammes, le 14 avril 2014 [Martin Bernetti / AFP] Quartier de Valparaiso, au Chili, détruit par les flammes, le 14 avril 2014 [Martin Bernetti / AFP]

Le port chilien de Valparaiso, en proie aux flammes depuis samedi, présente une topographie accidentée qui favorise la propagation des incendies, mais un autre facteur s'est également révélé décisif selon les experts: l'habitat précaire.

Le feu a pris sa source pour des raisons encore non établies samedi après-midi dans une zone boisée située sur l'une des 44 collines de cette ville classée au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco et réputée pour ses rues étroites et escarpées. Mardi soir, l'incendie n'était toujours pas contrôlé par les pompiers.

Les experts se relaient depuis plusieurs jours sur les médias chiliens pour expliquer que le relief a joué en faveur des flammes, alimentées de surcroît un vent soutenu et des températures élevées.

Mais Ivan Poduje, professeur d'urbanisme à l'Université catholique de Santiago, explique à l'AFP que les bidonvilles, souvent bâtis à l'aide de tôles ou de planches, ont constitué un autre paramètre expliquant l'avancée rapide de l'incendie le plus important de l'histoire de la ville.

Un homme devant sa maison détruite à Valparaiso, au Chili, le 14 avril 2014 [Felipe Gamboa / AFP]
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Un homme devant sa maison détruite à Valparaiso, au Chili, le 14 avril 2014

Ce type d'habitat a proliféré ces dernières années notamment du fait des nombreux retards accusés par les programmes de logement de l'Etat. Découragés par les prix des loyers en centre-ville que ne peuvent couvrir leurs modestes ressources, beaucoup d'habitants ont trouvé refuge dans des zones à risque en construisant de bric et de broc de petites maisons à flanc de colline ou dans les forêts environnantes, sans accès à l'eau et dans des conditions sanitaires souvent déplorables.

Pour certains, c'est presque un miracle que le bilan de l'incendie n'excède pas les 15 morts.

"Dans les vallées, le vent prend de la vitesse et la propagation du feu est très rapide, surtout si les habitations sont fabriquées avec du matériel léger. En outre, ces vallées sont très difficiles d'accès, avec des pentes très inclinées. Les accès sont compliqués et il est très difficile de contrôler le feu", résume l'expert.

 

- Une splendeur révolue -

 

Valparaiso connut un essor spectaculaire dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque la ville servit d'escale pour de nombreux bateaux avant le percement du canal de Panama. A cette époque, les immigrants européens débarquèrent et firent de la cité la plus cosmopolite d'un pays très isolé.

Qualifiée à l'époque de "Perle du Pacifique", cette ville de 270.000 habitants est visitée chaque année par des milliers de touristes attirés par ses ruelles entrelacées, ses maisons bigarrées et ses escaliers pentus. Mais les revenus qui en découlent ne profitent qu'à certains quartiers et la ville affiche aujourd'hui un niveau de pauvreté supérieur à la moyenne nationale.

Le chômage y est élevé et la ville ne bénéficie même pas des dividendes de son port, principal pôle économique de la ville, dont les activités sont directement taxées par l'Etat.

"Valparaiso est très belle vue de loin, mais lorsqu'on pénètre dans ces collines, on se rend compte que cet amphithéâtre est en grande partie une vitrine de la pauvreté", relève M. Poduje.

Zone dévastée par le gigantesque incendie a ravagé Valparaiso, au Chili, le 14 avril 2014 [Martin Bernetti / AFP]
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Zone dévastée par le gigantesque incendie a ravagé Valparaiso, au Chili, le 14 avril 2014

En outre, son relief et le développement anarchique de certaines zones complique l'assainissement, l'alimentation en eau et la collecte des ordures, ternissant davantage le paysage urbain lorsqu'on s'éloigne des zones touristiques environnant le port.

"C'est l'exemple parfait de la ségrégation urbaine", assène l'expert.

La présidente Michelle Bachelet pointait de son côté mardi une croissance urbaine incontrôlée, en annonçant un futur "plan cadre" pour reconstruire "de manière adéquate" les quartiers détruits par le feu, qui a précipité l'évacuation de quelque 11.000 habitants.

"Je pense que nous devons aller au delà du fait de construire les maisons et aider les familles. Nous devons tendre un filet de protection" avec une nouvelle conception de l'espace urbain de la ville, a-t-elle ajouté.

Pour M. Poduje, cela passe par de nouvelles infrastructures, de nouveaux services, l'assainissement et des campagnes de nettoyage, mais aussi par la lutte contre la pauvreté en "améliorant la base économique" de la ville.

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