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D'Afghanistan à la Colombie, le drame des mines antipersonnel

Le secrétaire général de l'OEA José Miguel Insulza (deuxième à gauche), la Colombienne Angela Ruales et le vice-président colombien Angelino Garzon à Medellin le 4 avril 2014 [Raul Arboleda / AFP] Le secrétaire général de l'OEA José Miguel Insulza (deuxième à gauche), la Colombienne Angela Ruales et le vice-président colombien Angelino Garzon à Medellin le 4 avril 2014 [Raul Arboleda / AFP]

Ali Alizada, un Afghan de 18 ans, et Angela Ruales, une adolescente colombienne de 15 ans, sont éloignés de plusieurs milliers de kilomètres mais ils ont vécu le même drame : une mine antipersonnel leur a arraché les jambes.

Ces deux victimes ont raconté comment leur vie a basculé dans un entretien accordé à l'AFP lors d'un congrès mondial sur cette arme interdite, qui s'est conclu à Medellin, deuxième ville de Colombie, vendredi, journée internationale d'information sur les mines antipersonnel.

En 2012, il y a eu en moyenne dans le monde 10 explosions de mines par jour avec plus de 3.600 victimes (morts ou blessés), dont 766 en Afghanistan et 496 en Colombie, les deux pays les plus touchés, selon l'ONG spécialisée Landmine and Cluster Munition Monitor.

Ali mène une campagne en faveur des personnes blessées par cette arme. En raison de son handicap, il n'a pas eu accès à l'université et a dû s'en sortir seul. Quant à Angela, elle rêve toujours d'avoir enfin de bonnes prothèses pour pouvoir remarcher.

Le soldat colombien Carlos Montoya, victime d'une mine antipersonnel, à Medellin le 4 avril 2014 [Raul Arboleda / AFP]
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Le soldat colombien Carlos Montoya, victime d'une mine antipersonnel, à Medellin le 4 avril 2014

La jeune Colombienne avait 14 ans quand son chemin a croisé une mine antipersonnel. Elle vaquait à ses occupations dans la localité rurale de Puero Asis, dans le sud du pays, portant dans ses bras sa nièce de deux mois. Le bébé a été tué dans l'explosion et elle a perdu ses jambes.

"En quelques secondes, il se passe tellement de choses. On sent l'explosion, puisqu'on tombe par terre. J'ai vu mes jambes décomposées. J'ai essayé de me relever, en vain. C'était très angoissant, et la douleur aussi", murmure-t-elle, le regard dans le vide.

Les souvenirs défilent: l'arrivée de l'ambulance, les premiers soins, le transfert à Bogota, la capitale, pour le traitement et l'accompagnement psychologique. Une année sans école. Et le divorce de ses parents, son père retournant aux champs.

- 'Dur à accepter' -

"Cela a été très dur à accepter, je n'arrêtais pas de pleurer", ajoute-t-elle, avant de réagir: "Petit à petit, j'ai avancé. J'étudie et mon but est de continuer à avancer. Et pouvoir remarcher seule". Etre ingénieure et se débarrasser de ses béquilles, tels sont ses deux objectifs prioritaires.

En Colombie, en proie à un conflit armé de près d'un demi-siècle, l'armée et des guérillas ont semé pendant des années des mines antipersonnel. Après la ratification du traité international d'interdiction des mines en 2000, l'Etat a procédé à un déminage progressif de son territoire, tout en reprochant aux rebelles de continuer à recourir à cette arme.

L’Afghanistan a aussi signé ce traité mais il reste encore nombre de mines enterrées. Pourquoi ces explosifs? "Parce qu'ils ne coûtaient rien", affirme Ali, avant de narrer son histoire.

"C'était en 1996, dans un lieu retiré en Afghanistan. J'avais 13 ans. J'allais à l'école avec trois amis quand nous avons pris un raccourci. C'est là que j'ai marché sur une mine", raconte le jeune homme.

Un enfant devant des mines antipersonnel à Juba le 4 avril 2014 [Charles Atiki Lomodong / AFP]
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Un enfant devant des mines antipersonnel à Juba le 4 avril 2014

"Pendant quelques secondes, je n'ai pas compris ce qui s'était passé, puis j'ai vu un morceau de chaussure au loin, et mes jambes dans une mare de sang", raconte-t-il, en tapotant ses prothèses à travers le pantalon de son costume.

Vient ensuite le transfert de six heures vers une clinique et encore six heures pour gagner un hôpital plus grand, alors que la zone étaient encerclée par les talibans. Amputation, transfusion, puis ce constat le jour suivant: "J'ai survécu, mais j'ai perdu mes jambes".

"Je pensais que tout était fini. Adieu le rêve d'être pilote ou policier", poursuit-il. Son père a été décisif dans sa récupération, l'accompagnant à Kaboul, loin de la guerre, et en le faisant "travailler dur" en anglais et en informatique.

Le voici désormais collaborateur pour une ONG internationale en Suisse. Son visage serein, éclairé par un sourire, contraste avec celui d'Angela, dont l'avenir reste encore à reconstruire.

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