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Mexique: la "deuxième mort" du capo Moreno questionne les méthodes de l'ex-président Calderon

L'ancien président mexicain Felipe Calderon s'adresse à la nation à Mexico le 7 novembre 2012 [Ronaldo Schemidt / AFP/Archives] L'ancien président mexicain Felipe Calderon s'adresse à la nation à Mexico le 7 novembre 2012 [Ronaldo Schemidt / AFP/Archives]

La "deuxième mort", bien réelle dimanche, du chef du groupe criminel des Chevaliers Templiers est un succès pour le président mexicain Enrique Peña Nieto mais jette parallèlement une lumière crue sur certaines méthodes médiatiques du gouvernement de son prédécesseur Felipe Calderon.

En décembre 2010, le gouvernement de Calderon annonçait la mort de Nazario Moreno, dit "El Chayo" lors d'affrontements avec la police fédérale près d'Apatzingan, dans l'Etat du Michoacan, à l'ouest du Mexique.

Aujourd'hui la police judiciaire mexicaine, empreintes digitales à l'appui, déclare avoir la preuve "à 100%" que l'homme abattu dimanche en ce mois de mars 2014 par l'armée était bien Nazario Moreno.

Le capo était donc bien vivant jusqu'à dimanche et il avait continué et amplifié ses activités criminelles entretemps, comme des rumeurs insistantes, puis des témoignages le laissaient entendre depuis des semaines.

Ne pouvant montrer le cadavre de celui qui dirigeait à l'époque le cartel de "La Familia", le gouvernement Calderon avait expliqué en 2010 que le corps du "Chayo" avait été emporté par des compagnons du défunt. Cette version devait perdurer jusqu'à la fin du sexennat de Calderon et Moreno a continué de figurer dans la liste des grands chefs criminels arrêtés ou abattus sous Calderon.

Pour les analystes, cette annonce fictive faite il y a plus de trois ans n'est que l'un des "mensonges médiatiques" lancée dans le cadre de la féroce "guerre antidrogue" initiée par Calderon dès son arrivée au pouvoir en décembre 2006 et qui fit quelque 70.000 morts durant son sexennat.

Ce cas démontre que dans la stratégie de Calderon "il y avait la fiction, destinée à tromper l'opinion publique" estime Raúl Benítez Manaut, expert en sécurité de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM).

L'annonce de la mort du capo "est un produit de l'incompétence" qui laisse en "bien mauvaise posture" l'ex-gouvernement de Calderon, selon un autre chercheur de l'UNAM, Javier Oliva.

Le jour de l'annonce de la "vraie" mort de Moreno, Alejandro Poiré, le haut responsable qui fit l'annonce de 2010 a assuré que celle-ci était basée sur "les éléments d'information disponible à l'époque". Pour reconnaître dans la foulée que ceux-ci "n'avait pas été suffisamment précis".

Calderon, qui a quitté la présidence fin novembre 2012 a réagi lundi à l'annonce de la mort de Moreno par la biais d'une bref message diffusé sur son compte Twitter félicitant le gouvernement de Peña Nieto pour l'opération de dimanche et contenant un lien vers les déclarations de Poiré.

- Une stratégie de fiction -

Calderon avait déjà été mis en cause dans d'autres annonces médiatiques spectaculaires visant à valoriser l'action de son gouvernement contre le crime organisé.

En mai 2009, 11 maires, 16 fonctionnaires, un juge et plusieurs policiers de l'Etat du Michoacan avaient été arrêtés pour lien supposés avec le crime organisé. Tous furent libérés dans les mois qui suivirent, faute de preuve.

Autre opération douteuse, l'arrestation en 2012 de cinq militaires de haut rang, dont trois généraux, emprisonnés sur la foi de "témoins protégés" issus de criminalité pour avoir reçu de supposés pots-de-vin de la part de narcotrafiquants. Tous ont été mis hors de cause puis libérés, faute de preuves également.

Dans le cas de la fausse mort de Moreno, "le premier bénéficiaire du fait de tomber dans l'anonymat a été celui-là même, et il a continué à jouer à ce jeu", a souligné lundi Alfredo Castillo, le commissaire envoyé en janvier par le gouvernement pour pacifier la région du Michoacan.

Plusieurs journaux ont été particulièrement sévères avec Calderon après la mort de Moreno. Pour l'éditorialiste du quotidien La Razon, Pablo Hiriart, "avec ce qui a été prouvé hier, il se confirme qu'une partie de la sécurité publique du pays s'est trouvée en des mains irresponsables, de parvenus qui cherchaient à obtenir des dividendes politiques à tout prix".

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