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Il faut une défense européenne, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani [REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

 

Deux événements devraient nous convaincre de l’absolue nécessité de doter l’Union européenne d’une défense digne de ce nom et de mettre un terme à la baisse régulière des crédits alloués à l’effort de défense. Il s’agit bien sûr de la crise ukrainienne mais aussi de la politique de Pékin telle qu’elle vient d’être exposée devant les représentants du peuple chinois.

La situation en Ukraine découle des ambitions de Vladimir Poutine. Se déroule sous nous yeux un scénario analogue à celui de 2008 qui avait vu la Russie, au nom de la préservation des intérêts de communautés russophones, s’emparer de deux régions de Géorgie. De la même façon, Poutine vient de pratiquement annexer la Crimée.

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il faudrait défendre par les armes l’intégrité de l’Ukraine. L’arsenal de la diplomatie et surtout des sanctions économiques, la mise en avant des intérêts bien compris des Européens et des Russes peuvent encore être efficaces. Il s’agit plutôt de s’interroger : s’il prenait à Vladimir Poutine l’envie d’aller plus loin (par exemple en direction des Etats baltes), aurions-nous les moyens de défendre le territoire de l’Union européenne ? La Russie, dont l’économie peut à court terme devenir chancelante et que nous avons sans doute les moyens d’affaiblir, est menacée de déclin par l’effondrement de sa démographie. Elle cherche, par la militarisation et le retour à une ambition impériale, à compenser ces faiblesses.

A Pékin, l’objectif officiel est d’accroître le poids de la Chine dans le monde. Pour ce faire, les dirigeants chinois prévoient d’affecter chaque année 12 % supplémentaires à leur effort militaire. On dira : ce réarmement laisse tout de même la Chine loin derrière les Etats-Unis. Mais elle possède déjà la première armée du monde par le nombre avec 2 millions de soldats et entend égaler la puissance militaire américaine au milieu du siècle. Dans le même temps, inquiet, le Japon accroît significativement son budget de la défense.

Danger objectif ici, remilitarisation là : et pendant ce temps, nous, Européens, continuons de désarmer. Chacun pour soi sans rien entreprendre de significatif sur le plan collectif.

Prenons la France qui a dû intervenir sur deux théâtres simultanément. Au Mali, pour repousser des mouvements liés à al-Qaida avec la sécurité de l’Europe en jeu. Et en Centrafrique, pour mettre un terme aux affrontements entre chrétiens et musulmans, au nom des Nations unies. C’est à la fois beaucoup et peu au regard des moyens déployés, et pourtant la France touche là les limites de ses capacités d’interventions. Elle a d’ailleurs besoin, au Mali, des autres Européens et en Centrafrique des Nations unies. Il suffit de se souvenir qu’en Libye, lors de l’opération franco-britannique pour écarter Kadhafi, rien n’aurait été possible sans les munitions et les moyens d’observation américains.

La Grande-Bretagne, précisément, qui était partie prenante de l’opération libyenne, à force de réduire ses moyens, apparaît aujourd’hui comme un simple détachement de l’armée américaine. Sans plus aucune autonomie. Et sans pour autant accepter l’idée même d’une défense européenne.

L’OTAN elle-même avait souhaité que ses membres garantissent un effort de défense de 2 % de leur produit intérieur. Or la moyenne est tombée à 1,5 %. Le problème est que si l’on combine le retrait américain de l’Europe, lié au repositionnement stratégique vers la zone Asie-Pacifique, la montée en puissance des efforts de la Chine, et les dangers qu’une dictature (celle de Poutine) peut créer sur le territoire même de l’Europe, il est urgent que nos dirigeants prennent la question au sérieux. 

 

Jean-Marie Colombani

 

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