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Fukushima : trois ans après

Des employés de Tepco mesurent la radioactivité dans la salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale atomique Fukushima Daiichi, le 10 mars 2014 [Koji Sasahara / Pool/AFP] Des employés de Tepco mesurent la radioactivité dans la salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale atomique Fukushima Daiichi, le 10 mars 2014 [Koji Sasahara / Pool/AFP]

"Noir absolu": c'est dans l'obscurité totale que le 11 mars 2011 une poignée d'hommes désespérés ont tout tenté pour empêcher le pire à la centrale atomique Fukushima Daiichi. En vain.

 

Trois ans après, une journaliste de l'AFP s'est rendue là où s'est joué le drame dont ne sort pas indemne le Japon, ni sa politique énergétique: la salle de contrôle des unités 1 et 2.

En guise de témoignage, il reste seulement des notes griffonnées sur les parois, entre manettes, cadrans, boutons et voyants éteints. Dates et chiffres écrits maladroitement, empreintes visibles de ces premières heures infernales, après le séisme et le tsunami qui ont ébranlé le site, et plongé dans le noir ceux qui luttaient.

Un employé de Tepco lors d'une simulation de plongée dans le noir de la salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale atomique Fukushima Daiichi, le 10 mars 2014 [Toru Hanai / Pool/AFP]
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Un employé de Tepco lors d'une simulation de plongée dans le noir de la salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale atomique Fukushima Daiichi, le 10 mars 2014
 

24 heures sur 24, pendant des jours, ils ont bataillé, mais ont dû battre en retraite. Que se passait-il dans le coeur des réacteurs, les opérateurs n'en savaient rien. "Les gars qui étaient là ne travaillent plus à la centrale. Ils ont reçu trop de radiations", explique Kenichiro Matsui, un responsable de la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco).

Il faut toujours un masque intégral, une combinaison, un bonnet, un casque, trois paires de gants, autant de chaussettes et des chaussures couvertes pour enjamber des câbles, des tuyaux, passer par un labyrinthe étroit, des escaliers, et arriver jusque-là, mais, surprise: la salle est propre, éclairée.

Et pourtant, à une quarantaine de mètres, dans les réacteurs détruits, règne encore une radioactivité si phénoménale qu'ils ne sont pas près d'y aller.

Ainsi va la vie à Fukushima Daiichi. Paradoxale: des progrès très visibles sur une partie du site (nettoyage des bâtiments), et une impression de chaos ailleurs, près des réservoirs d'eau contaminée notamment.

La salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale nucléaire de Fukushima ouverte à la presse par Tepco, le 10 mars 2014 [Koji Sasahara / Pool/AFP]
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La salle de contrôle des unités 1 et 2 de la centrale nucléaire de Fukushima ouverte à la presse par Tepco, le 10 mars 2014
 

"La gestion de cette eau n'est toujours pas satisfaisante", confirme Dale Klein, ex-président de l'Autorité américaine de régulation nucléaire et membre d'un comité de suivi de la crise.

"Quatre pas en avant, deux en arrière: chaque nouvelle fuite d'eau ruine presque toute la confiance un peu regagnée", déplore cet expert selon qui Tepco doit faire davantage et plus vite pour gérer les près de 450.000 tonnes de liquide radioactif accumulé dans 1.200 réservoirs disséminés sur le site. Et on continue d'en construire par dizaines.

3.000 à 4.000 travailleurs s'escriment tous les jours, dans des conditions incroyablement pénibles, pour déblayer, installer des équipements, bâtir un mur souterrain, retirer le combustible usé des piscines d'entreposage, ou simplement trier les vêtements, chaussures, masques et casques. Logistique folle.

Trois ans c'est long mais ce n'est rien, même pas un dixième du temps qu'il faudra pour démanteler 4 des 6 tranches de Fukushima Daiichi. Et pendant ce combat titanesque, à Tokyo on espère bien en relancer d'autres ailleurs.

- Energie nucléaire = "une ressource importante" -

"L'énergie nucléaire est une ressource de base importante", martèle le Premier ministre conservateur Shinzo Abe, pour qui "les réacteurs jugés sûrs devront être remis en exploitation".

Plan du site nucléaire de Fukushima au Japon et schéma simplifié du réacteur numéro 1 [ / AFP]
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Plan du site nucléaire de Fukushima au Japon et schéma simplifié du réacteur numéro 1
 

Arrivé au pouvoir fin 2012, son gouvernement s'est empressé d'enterrer le projet du précédent exécutif de centre-gauche de "zéro nucléaire" d'ici à 2040.

Une dizaine d'unités (sur 50 arrêtées) sont actuellement examinées depuis plus de six mois, et ce n'est pas fini.

"Si le gouvernement et l'Autorité nucléaire (chargée de certifier les réacteurs) considéraient vraiment la catastrophe de Fukushima comme une priorité, ils auraient mis plus de ressources au lieu de les concentrer sur les études de redémarrage d'autres réacteurs", s'agace Hisayo Takada qui suit le dossier au sein de l'organisation écologiste Greeenpeace.

L'opinion, elle, ne bouge plus guère, elle espère juste que les installations nucléaires seront moins employées qu'avant, tandis que les industriels du secteur estiment qu'il faudra non seulement relancer des réacteurs mais aussi "en construire de nouveaux pour assurer un approvisionnement stable".

 
 

Economique, d'abord. Le Japon doit importer à prix d'or des quantités faramineuses de gaz et pétrole pour faire tourner à plein régime ses centrales thermiques, une situation qui entraîne des déficits commerciaux insoutenables.

Diplomatique: l'indépendance énergétique est vitale, même si, pour les centrales nucléaires, le Japon reste tributaire de l'uranium importé.

Ecologique, enfin. Les centrales thermiques produisent des gaz à effet de serre, ce qui empêche le Japon de remplir ses engagements internationaux, même s'il promet d'augmenter la part des énergies renouvelables (fermes solaires et éoliennes).

S'ajoutent à cela un peu d'orgueil (la maîtrise de technologies de pointe) et pour certains nationalistes une arrière-pensée militariste (et si le Japon se dotait de la bombe atomique?).

Du coup, le gouvernement martèle sur tous les tons que le Japon veut certes diminuer la part nucléaire mais ne peut s'en passer s'il veut rester une grande puissance économique indépendante et soucieuse du changement climatique.

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