En direct
A suivre

Les héritiers de Martin Luther King se déchirent

Le pasteur et meneur du combat pour les droits civiques aux Etats-Unis Martin Luther King à Paris le 29 mars 1966 [ / AFP/Archives] Le pasteur et meneur du combat pour les droits civiques aux Etats-Unis Martin Luther King à Paris le 29 mars 1966 [ / AFP/Archives]

Une Bible et un prix Nobel de la paix: Martin Luther King aurait probablement eu du mal à imaginer qu'un jour ses enfants se déchireraient jusque sur les symboles de son combat pour les droits civiques.

Nouvel épisode d'une longue série de batailles juridiques, la possible vente de ces deux objets emblématiques divise les héritiers, déchaîne les passions.

Dans l'arène, trois acteurs: Bernice Albertine King, 50 ans, la plus jeune des trois enfants encore en vie de "MLK", pasteur à l'instar de son père, se présentant comme la gardienne de l'héritage moral du leader des droits civiques assassiné en 1968. En face, Martin Luther King III, "Marty", l'aîné, militant, bien connu des médias, et Dexter Scott King, le seul parti vivre en Californie pour mener une carrière encore hésitante dans le cinéma.

Fin janvier, les deux frères annoncent à leur soeur cadette qu'ils souhaitent vendre la Bible de leur père, qu'il transportait partout avec lui, et son prix Nobel de la paix reçu en 1964.

Conformément à un accord conclu en 1995, les trois enfants ont chacun un droit de vote au sein de l'"Estate of Martin Luther King Jr. Inc.", qui détient la propriété de tout l'héritage de MLK.

Pour Bernice, qui conserve les deux objets en sécurité dans une banque d'Atlanta (Géorgie, sud-est), d'où est originaire la famille, vendre la Bible et le prix Nobel, c'est aller trop loin. Elle vote non. Les deux frères, eux, votent oui.

Bernice persiste, les deux aînés portent plainte. La guerre est déclarée.

La cadette passe à l'offensive, d'abord en diffusant à la presse une déclaration dans laquelle elle dénonce une vente qui serait "inadmissible, négligente sur le plan historique et entièrement répréhensible sur le plan moral".

Quelques jours plus tard, elle convoque les médias dans l'église baptiste Ebenezer d'Atlanta, là-même où son père prononça de nombreux sermons, flanquée de membres respectés du mouvement des droits civiques.

Le ton empreint de gravité, elle lance: "Ces objets ne devraient jamais être vendus à aucune personne ni à aucune institution, car ils sont sacrés. J'adopte cette position ferme pour mon père car papa n'est plus ici pour dire: +ma Bible et mes médailles ne sont pas à vendre!+".

- Quel prix pour la Bible ? -

"Les querelles parmi les enfants du Docteur King sont loin d'être une nouveauté", explique à l'AFP l'historien Ralph Luker, co-éditeur de "The Papers of Martin Luther King, Jr.".

"Et les alliances entre les enfants changent régulièrement", précise-t-il. "Après la mort de leur mère, Dexter a été un temps à la tête du King Center, puis Bernice et Marty l'ont poussé à quitter ce poste. Marty est ensuite devenu le chef du King Center, et Bernice et Dexter se sont alliés pour le pousser vers la sortie".

Leur soeur aînée Yolanda, décédée en 2007, servait autrefois de ciment familial, surtout depuis la mort de leur mère Coretta en 2006. Celle-ci était l'héritière directe de MLK, ce dernier n'ayant pas laissé de testament. "Yolanda était une force d'unité parmi eux", souligne M. Luker.

Après la mort de leur grande soeur, les trois enfants ont obtenu de la vente de documents personnels de Martin Luther King --sa correspondance, ses discours-- 32 millions de dollars. "Il est possible que les deux frères aient dépensé leur part et aient besoin de plus d'argent", suggère l'historien.

Ces derniers n'ont pas commenté publiquement l'affaire.

Pour l'heure, le juge Robert McBurney a ordonné à Bernice King de rendre les deux objets pour qu'ils soient entreposés dans un coffre-fort d'une banque dont il gardera la clef dans l'attente de sa décision, qui pourrait prendre des mois.

"Beaucoup de proches de la famille sont attristés par l'amertume de cette dispute", dit Ralph Luker.

Selon lui, la position de Bernice reste "faible" malgré le soutien des leaders du mouvement des droits civiques, car ces derniers "n'ont pas de droit de vote" au sein de l'Estate.

Quant au prix qui pourrait être tiré de la vente? Probablement très élevé, d'autant que la Bible est aussi celle sur laquelle Barack Obama a prêté serment lors de sa deuxième cérémonie d'investiture.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités