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Nigeria: le président dans la tourmente suspend le chef de la Banque centrale

Le président nigérian Goodluck Jonathan à New York le 23 septembre 2013 [Jewel Samad / AFP/Archives] Le président nigérian Goodluck Jonathan à New York le 23 septembre 2013 [Jewel Samad / AFP/Archives]

Le gouverneur de la Banque centrale nigériane, qui accuse la société pétrolière nationale d'avoir détourné 20 milliards de dollars, a été suspendu jeudi par le président Goodluck Jonathan, qui tente de reprendre la main après ce scandale de corruption.

Lamido Sanusi, dont le mandat devait expirer en juin, est au coeur d'une controverse depuis qu'il a demandé des comptes à la Société pétrolière nationale nigériane (NNPC) sur 20 milliards de dollars de fonds publics manquants.

Ce nouveau scandale est venu affaiblir un peu plus le président Goodluck Jonathan, confronté à une crise sans précédent au sein de son propre parti et critiqué pour son incapacité à mettre fin aux violences des islamistes de Boko Haram dans le nord du pays, à un an des élections générales.

Selon un communiqué publié par la présidence, le mandat de M. Sanusi "a été marqué par plusieurs imprudences et des manquements en matière de finance".

M. Sanusi, qui a remis de l'ordre dans un secteur bancaire au bord de l'implosion et stabilisé la monnaie du pays le plus peuplé d'Afrique, le premier producteur de pétrole du continent, a souvent été applaudi par les économistes nigérians et étrangers.

Mais cela lui a valu, également, de puissants ennemis politiques.

Le communiqué de la présidence annonçait "la suspension immédiate" de M. Sanusi et son remplacement par Sarah Alade, plus haute responsable de la CBN après lui.

Plus tard jeudi, M. Jonathan a dit finalement nommer Godwin Emefiele, actuel patron de la banque nigériane Zenith, au poste de gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, une nomination qui doit encore être approuvée par le Sénat.

- subventions douteuses -

Dans une réaction à la BBC depuis Niamey, Lamido Sanusi a reconnu qu'il s'attendait à son limogeage.

"Tout individu qui aura pris les types de mesures que j'ai prises sait très bien qu'on ne va pas le laisser (à son poste)", a-t-il dit en langue haoussa.

On ne lui a donné "aucune explication" ni relevé "une seule faute" à son encontre, a-t-il aussi affirmé.

Il a annoncé son intention de "saisir la justice afin qu'elle se prononce sur le droit du président de la République de suspendre le gouverneur de la Banque centrale. Si non, à l'avenir tout autre gouverneur n'aura plus son mot à dire et ne pourra pas informer la nation de ce qu'on fait avec les fonds publics".

M. Sanusi avait lancé le débat en septembre en accusant publiquement la NNPC de devoir près de 50 milliards de dollars de revenus pétroliers à l'Etat. Il avait ensuite revu ce chiffre à la baisse, annonçant qu'il ne manquait "que" 12 milliards de dollars, laissant planer des rumeurs de pressions politiques.

Il était revenu sur le sujet début février, dénonçant une perte d'environ 20 milliards de dollars pour le Nigeria entre janvier 2012 et juillet 2013, en partie à cause du paiement douteux de subventions sur le kérozène par la NNPC.

Selon le Financial Times, qui cite des documents confidentiels de M. Sanusi, la NNPC continue à payer des subventions sur le kérozène à des distributeurs, alors même que les consommateurs paient le carburant au prix fort.

- élections à risques pour le pouvoir -

Pour Debo Adeniran, de la Coalition contre les dirigeants corrompus, le président Jonathan "ne peut pas tolérer" un gouverneur de Banque centrale qui dénonce "les dysfonctionnements du gouvernement" à un an de la présidentielle.

Le Parti démocratique populaire du président Jonathan, délaissé par des dizaines de députés qui ont rejoint le Parti des congressistes, principale formation d'opposition, pourrait essuyer aux élections générales de 2015 sa première défaite depuis la fin des régimes militaires en 1999.

La volonté de se représenter prêtée au président attise les tensions, même s'il n'a pas encore annoncé s'il va ou non briguer un deuxième mandat de quatre ans.

D'autant que dans le nord-est du pays, les attaques des islamistes de Boko Haram ont déjà fait près de 300 morts depuis le début de l'année, malgré l'état d'urgence imposé depuis mai.

Le groupe extrémiste menace désormais de s'en prendre aux intérêts pétroliers dans le sud du pays à dominante chrétienne.

Dans une vidéo reçue mercredi par l'AFP, le chef présumé de Boko Haram, Abubakar Shekau, a lancé: "Vous, dirigeants du Delta du Niger, vous allez bientôt voir vos raffineries détruites".

Le groupe était jusque-là surtout actif dans le Nord musulman et il n'est pas certain qu'il puisse exécuter ses menaces.

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