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Espagne : l'avortement quasi-interdit

Des femmes manifestent pour le droit à l'avortement devant le siège du Parti populaire espagnol, le 20 décembre 2013 à Madrid  [Javier Soriano / AFP] Des femmes manifestent pour le droit à l'avortement devant le siège du Parti populaire espagnol, le 20 décembre 2013 à Madrid [Javier Soriano / AFP]

Promesse de campagne en 2011 du chef conservateur espagnol Mariano Rajoy mais retardé depuis, le projet de loi supprimant quasiment le droit à l'avortement en Espagne a été approuvé vendredi par le gouvernement, féministes et gauche dénonçant un "retour de 30 ans en arrière".

 

L'Espagne se replace ainsi parmi les pays européens les plus restrictifs dans ce domaine.

Le projet de loi annule de fait la loi de 2010 qui autorise l'avortement jusqu'à 14 semaines et jusqu'à 22 semaines en cas de malformation du foetus. Cette loi était, avec le mariage homosexuel, l'une des réformes phares de l'ex-gouvernement socialiste.

Il revient à l'esprit des pratiques en vigueur entre 1985 et 2010, mais les durcissent par certains aspects, même s'il supprime tout délit pénal pour la femme.

Il ne prévoit une autorisation d'avortement que dans deux cas très précis : que l'interruption de grossesse soit "nécessaire en raison d'un grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, et la deuxième, que la grossesse soit une conséquence d'un délit contre la liberté ou l'intégrité sexuelle de la femme", a expliqué le ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardon, à l'issue du Conseil des ministres.

 

Le ministre espagnol de la Justice Alberto Ruiz-Gallard lors d'une conférence de presse à Madrid, le 20 décembre 2013 [Dani Pozo / AFP]
 
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Le ministre espagnol de la Justice Alberto Ruiz-Gallard lors d'une conférence de presse à Madrid, le 20 décembre 2013
 

Pour éviter que le "grave danger psychologique" pour la mère ne soit utilisé comme c'était majoritairement le cas avant 2010, le texte impose que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l'établissement pratiquant l'avortement. Un médecin était auparavant suffisant.

En cas de viol, il faudra que la femme ait précédemment déposé plainte. Et il faudra deux rapports, l'un pour la mère et l'autre pour le foetus, pour que la malformation du foetus puisse être invoquée comme motif de l'interruption de grossesse, a indiqué le ministre.

Les mineures devront avoir l'autorisation de leurs parents.

 

Appel à la mobilisation

Les associations féministes et de gauche ont déjà appelé à la mobilisation en dépit des fêtes de Noël, sachant que le projet de loi a toutes les chances d'être adopté au Parlement, le Parti populaire (droite au pouvoir) y disposant de la majorité absolue.

Le numéro deux du Parti socialiste (PSOE), Elena Valenciano a dénoncé "un retour en arrière intolérable", appelant les députées de droite à s'y opposer.

"Nous n'allons pas revenir 30 ans en arrière", a-t-elle déclaré, accusant Mariano Rajoy d'avoir cédé "à l'aile dure de son parti et à la Conférence épiscopale".

Environ 2.000 personnes ont manifesté jeudi soir devant le ministère de la Justice aux cris de "Gallardon démission" et "liberté pour mon corps".

 

Un homme tient une croix dans une manifestation anti-avortement à Madrid le 17 novembre 2013 [Pierre-Philippe Marcou / AFP/Archives]
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Un homme tient une croix dans une manifestation anti-avortement à Madrid le 17 novembre 2013
 

Dès jeudi, et résumant les craintes, le président de la Fédération du planning familial, Luis Enrique Sanchez, a regretté "un retour en arrière à la situation des années 1980, avec des femmes espagnoles qui allaient en France ou en Angleterre" pour y subir un avortement lorsqu'elles en avaient les moyens.

Pour les autres, "elles iront dans des lieux clandestins" à hauts risques, a aussi déclaré à l'AFP le gynécologue Salim Chami, de la clinique madrilène Isadora spécialisée dans l'interruption de grossesse.

"Si nous ne pouvions pas le faire ici, nous irions en Angleterre d'où ma compagne est originaire. C'est un pas en arrière qui me semble un peu absurde dans une société moderne", a confié vendredi à l'AFP Ricky, venu avec son amie Jessica dans cette Clinique.

Même critique de l'association Médecins du Monde qui soulignent que "les lois restrictives ne font en aucun cas baisser le nombre d'avortements" mais poussent les plus pauvres à "mettre leur vie en danger".

 
 

Pour celle-ci, "c'est un pas en avant vers l'objectif de parvenir à l'avortement zéro".

Un total de 118.359 avortements ont été enregistrés en Espagne en 2011, après 113.031 en 2010.

Selon une étude de l'institut Metroscopia publiée en mai dans le journal El Pais (gauche), 46% des Espagnols sont favorables au maintien de la loi de 2010 contre 41% en faveur de la limitation de l'avortement.

 

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