En direct
A suivre

Argentine: les policiers sur la sellette après de violents pillages

Des Argentins pillent un magasin, à Banda del Rio Sali, le 10 décembre 2013 [Walter Monteros / AFP] Des Argentins pillent un magasin, à Banda del Rio Sali, le 10 décembre 2013 [Walter Monteros / AFP]

La grève des policiers, point de départ de violents pillages qui ont fait neuf morts en Argentine ces derniers jours, a relancé le débat sur leur probité et leur manque de loyauté, pointés du doigt par un gouvernement furieux.

Après la dictature militaire qui s'est achevée en 1983, "on a réussi à incorporer les forces armées dans le processus démocratique, il faut en faire de même avec les polices des provinces. Les pillages ont été planifiés", a dénoncé la présidente argentine Cristina Kirchner.

Les 200.000 fonctionnaires de police aux ordres des gouverneurs des provinces (contre 44.000 policiers fédéraux) ont mauvaises réputation. Ils sont considérés comme corrompus et l'arrestation du chef de l'unité antidrogue de la police de la province de Cordoba (centre) a conforté cette perception.

Un des échecs de la démocratie "est la démocratisation des forces de police. Elles ont des liens avec le crime organisé et sont en mesure de jouer sur l'intensité des violences urbaines", estime le chercheur Ricardo Ragendorfer.

Auteur du livre "La secta del gatillo" (La secte de la gâchette), M. Ragendorfer juge que la police "doit dépendre du pouvoir politique et ne pas s'auto-gouverner".

Le chercheur rappelle que la mobilisation policière a débuté à Cordoba après que la hiérarchie locale soit tombée pour ses liens avec le narcotrafic et que le message des troupes était: "Ne vous mêlez pas de nos affaires, ne mettez pas en prison nos chefs".

Des victimes des pillages manifestent à San Miguel de Tucuman le 10 décembre 2013 [Walter Monteros / AFP]
Photo
ci-dessus
Des victimes des pillages manifestent à San Miguel de Tucuman le 10 décembre 2013

Vingt des 24 provinces du pays ont pâti de la grève policière entamée la semaine dernière pour réclament de meilleures conditions de travail. Dans certaines provinces, l'anarchie a régné quand les pilleurs ont vandalisé et mis à sac commerces et supermarchés. Selon le Parquet général, des meneurs ont été vus sur les lieux avec des 4x4, tordant le coup à des émeutes seulement liées à la pauvreté.

Les citoyens et commerçants des quartiers visés par les pilleurs ont tenté de repousser les assauts avec des fusils, des bâtons ou même des haches pour défendre leur maison ou leur magasin, dans les rues désertées par les forces de l'ordre.

Tensions sociales

Les pillages "sont associés aux grandes crises économiques (de 1989 et 2001) mais actuellement ils ont lieu dans des grandes villes et sont liés aux tensions sociales, au trafic de drogues et au crime organisé", explique à l'AFP le politologue Rosendo Fraga, de l'institut Nueva Mayoria.

A la différences des émeutes provoquées par la faim et aux manifestations populaires lors de la grande crise économique de 2001, la tension des derniers jours, qui tendait à baisser mercredi après les célébrations du 30e anniversaire du retour à la démocratie sur la Place de Mai à Buenos Aires, était alimentée par des groupes s'organisant via des réseaux sociaux et se déplaçant à moto et en camionnettes.

"De façon concomitante avec les manifestations policières, se sont produites des atteintes à la propriété", a relevé dans un rapport le Parquet général.

Des pillards à Banda del Rio Sali, le 10 décembre 2013 [Walter Monteros / AFP]
Photo
ci-dessus
Des pillards à Banda del Rio Sali, le 10 décembre 2013

Les troubles ont débuté dans la deuxième province la plus peuplée du pays, Cordoba, riche région agricole, avant de se propager comme une trainée de poudre à 20 des 24 provinces du pays.

Les pilleurs "ne réclament ni travail, ni intégration sociale, seulement des réponses immédiates, des augmentations de prestations sociales, et ils ont recours à l'extorsion", affirme à l'AFP Enrique Zuleta Puceiro, professeur de droit et sociologue à l'Université de Buenos Aires.

"Nous affrontons un nouveau problème qui n'a rien à voir avec la faim ou la subsistance mais avec la désintégration sociale", résume le politologue et expert en politiques sociales Daniel Arroyo.

La sociologue Beatriz Sarlo replace elle ces événements dans un contexte général d'"augmentation de la violence en Argentine", qu'elle concerne les comportements de policiers, de trafiquants de drogues ou de supporteurs de football.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités