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Impôts : dire la vérité et la complexité des choses, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani [REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

 

En Allemagne, le parti conservateur d’Angela Merkel et les socialistes du SPD, majorité et opposition donc, viennent de conclure, pour la durée de la législature, un accord de gouvernement. Scénario que l’on dit impossible en France.

Il faudrait, en effet, commencer par rétablir, entre majorité et opposition, un minimum de respect mutuel. C’est-à-dire le respect de son propre pays… Et nous en sommes manifestement incapables.

L’expression d’un ras-le-bol fiscal

Le contenu de cet accord politique allemand est intéressant. Non seulement parce qu’on y trouve l’instauration d’un salaire minimum, mais aussi parce qu’on y découvre l’extension de… l’écotaxe ! Celle-ci, déjà en vigueur sur les autoroutes allemandes, sera étendue sur les routes nationales.

Or, que voit-on en France ? La même organisation de transporteurs routiers «européens», qui paie sans rechigner pour traverser l’Allemagne, manifeste en France contre l’instauration d’une écotaxe, par ailleurs suspendue par le gouvernement !

Voilà qui devrait inciter à la prudence tous ceux qui croient bon de «comprendre» de telles actions. On dit : c’est l’expression d’un ras-le-bol fiscal. Celui-ci existe. Et l’on peut même soutenir qu’une bonne part de la crispation de l’opinion, et de l’hostilité dont elle fait preuve à l’égard du gouvernement, a une explication principale : la colère fiscale.

Sans doute la barque a-t-elle été trop et/ou mal chargée. Voilà pourquoi l’annonce, par Jean-Marc Ayrault, d’une concertation pour remettre à plat notre système fiscal a été finalement mal accueillie. Sur le mode : «Qu’est-ce qui va encore nous tomber sur la tête ?»

 

Des poussées poujadistes

Cette concertation a toutefois été utile. En dehors de la réflexion de fond qu’elle peut permettre, elle avait surtout comme objectif de redonner la main aux partenaires sociaux, syndicats et patronat, pour faire pièce aux poussées poujadistes qui se manifestent et qui ont pour point commun la démagogie. L’illusion que tout pourrait se résoudre par un coup de baguette magique. 

Poujadisme des Bonnets rouges qui veulent bien payer l’impôt, mais à condition qu’il soit réservé à la Bretagne : c’est exactement le modèle de la Ligue du Nord en Italie, l’allié politique de Berlusconi, ou des nationalistes flamands en Belgique. Poujadisme des routiers qui ont continué de manifester contre une taxe qui, à ce stade, n’existe pas.

Or, sur le plan fiscal, que s’est-il passé ? François Hollande a ni plus ni moins tenu la principale de ses promesses : aligner la fiscalité du capital sur celle du travail.  Non seulement cet élément de justice fiscale n’a pas été bien perçu par les Français qui n’ont vu que l’augmentation de leur propre feuille d’impôts, mais cette façon de voir a eu largement pour effet de décourager les entrepreneurs. A un moment où il faudrait, au contraire, que le gouvernement soit capable d’entraîner derrière lui tous les patrons, petits, moyens et grands, dans la lutte absolument indispensable contre le chômage. 

C’est donc qu’il faut être parfois capable de plaider contre le sentiment dominant, ou les mots d’ordre simplistes, tels que ceux de l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon qui feint de croire qu’un impôt «universel et juste» puisse exister.

Dire la vérité et la complexité des choses était le mot d’ordre d’un certain Pierre Mendès France. Il n’a gouverné que sept mois sous la IVe République mais son message est encore d’actualité : le consentement à l’impôt est le fondement de la démocratie.

 

Jean-Marie Colombani

 

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