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Le sultanat du Brunei introduit la loi islamique

Le sultan Hassanal Bolkiah, le 22 octobre 2013 à Bandar Seri Begawan, capitale du Brunei [Dean Kassim / AFP] Le sultan Hassanal Bolkiah, le 22 octobre 2013 à Bandar Seri Begawan, capitale du Brunei [Dean Kassim / AFP]

Le Brunei, un petit sultanat richissime situé sur l'île de Bornéo, est devenu mardi le premier pays d'Asie du Sud-Est à introduire la charia (loi islamique) qui prévoit notamment la lapidation en cas d'adultère.

Le sultan Hassanal Bolkiah, un des hommes les plus fortunés au monde, a annoncé dans un discours officiel la promulgation d'un nouveau code pénal islamique, pour les seuls musulmans, qui entrera progressivement en vigueur dans les six mois à venir.

La nouvelle législation, qui ne s'applique qu'aux musulmans, prévoit l'amputation de membres pour les voleurs, la flagellation pour la consommation d'alcool ou l'avortement, ainsi que la lapidation en cas d'adultère.

Le Brunei devient ainsi le seul Etat d'Asie du Sud-Est à appliquer la charia. En Indonésie, plus grand pays musulman au monde, seule la province autonome d'Aceh, sur l'île de Sumatra, a introduit la loi islamique.

"Avec l'entrée en vigueur de cette législation, nous remplissons notre devoir envers Allah", a déclaré le sultan.

Le sultanat de Brunei, minuscule Etat situé sur la côte nord de l'île de Bornéo, est l'un des pays les plus riches au monde, grâce à d'immenses ressources en hydrocarbures.

Ses habitants, qui sont un peu plus de 400.000, sont musulmans aux deux tiers, avec une forte présence bouddhiste (13%) et chrétienne (10%).

L'islam est cependant religion officielle et sa pratique est réputée plus conservatrice qu'en Malaisie ou en Indonésie, pays musulmans voisins.

La consommation d'alcool est ainsi interdite et la pratique d'autres religions que l'islam sévèrement réglementée.

La loi islamique ne s'appliquera qu'aux musulmans mais il reste à savoir dans quelle mesure.

Le Brunei compte déjà deux systèmes judiciaires: l'un civil et l'autre islamique. Le domaine de compétence de ce dernier est actuellement limité aux litiges mineurs comme les différends matrimoniaux.

Le sultan Hassanal Bolkiah, tentait depuis 1996 de faire appliquer la charia.

"Sa Majesté Paduka Seri Baginda Sultan Haji Hassanal Bolkiah Mu'izzaddin Waddaulah", comme il se fait officiellement appeler, règne en monarque absolu sur le petit territoire depuis 1967, année où il a succédé à son père.

Voitures de luxe et harem

Le sultan est réputé pour sa grande richesse, estimée à vingt milliards de dollars (14,6 milliards d'euros) par le magazine américain Forbes, et pour son importante collection de milliers de Rolls-Royce, Aston-Martin et autres Lamborghini.

Son mode de vie a ainsi souvent été critiqué pour n'être pas très islamique, en particulier quand la presse l'a accusé d'entretenir un harem de maîtresses occidentales et d'avoir baptisé un de ses yachts de luxe "seins".

Le sultan a cependant semblé épouser ces dernières années une plus grande orthodoxie islamique, appelant à un retour aux racines musulmanes du Brunei, contre les influences occidentales véhiculées par un internet omniprésent.

Il a ainsi rendu l'enseignement religieux obligatoire pour tous les enfants musulmans et ordonné la fermeture de tous les commerces pour la prière du vendredi.

La critique est peu courante dans le minuscule pays mais l'application de la charia est un des très rares points de discorde.

De nombreux habitants voient en effet dans son introduction une contradiction avec l'ouverture à l'international et la modernité de plus en plus grandes du sultanat, ainsi qu'avec la mentalité des Malais, l'ethnie dominante, qui entretient un rapport plus souple avec la loi islamique.

"Cela semble presque incompatible avec la culture malaise, qui est paisible", estime Tuah Ibrahim, un chauffeur de bateau-taxi dans la capitale Bandar Seri Begawan.

"Je n'arrive pas à imaginer mon pays devenir une autre Arabie saoudite", lâche-t-il.

Dans son discours, le sultan a cependant assuré que l'application de la charia "n'entamait en rien notre politique ... en tant que membre de la famille des nations".

Cette déclaration n'a pas convaincu les militants des droits de l'homme.

"Le Brunei montre ses caractéristiques féodales, comme un Etat qui appartient au XVIIIe siècle, plutôt que comme un membre important de l'Asie du Sud-Est du XXIe siècle", a estimé Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch.

Le militant a qualifié l'application de la charia d'"ajecte et absolument injustifiable".

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