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A Bariloche, refuge andin de nazis, l'omerta reste de mise

L'ancien capitaine nazi Erich Priebke embarque pour l'Italie où il sera condamné à la perpétuité, le 20 novembre 1995 à l'aéroport de Bariloche [Daniel Luna / AFP/Archives] L'ancien capitaine nazi Erich Priebke embarque pour l'Italie où il sera condamné à la perpétuité, le 20 novembre 1995 à l'aéroport de Bariloche [Daniel Luna / AFP/Archives]

Bariloche, station touristique huppée de la Cordillère des Andes, où le criminel de guerre Erich Priebke a trouvé refuge après la Deuxième Guerre mondiale, continue d'afficher un mutisme absolu sur son lien avec les nazis.

Pendant 40 ans, Erich Priebke a pu y vivre paisiblement sans être dénoncé. C'est en pistant le peintre Toon Maes, collaborateur belge, qu'un enfant de Bariloche, Esteban Buch, a révélé la retraite de Priebke en Patagonie argentine, dans son ouvrage El pintor de la Suiza Argentina (Le peintre de la Suisse argentine, éditions Sudamericana, 1991) consacré aux nazis exilés à Bariloche, dont la région est souvent comparée à la Suisse.

Il établit alors un lien formel entre Erich Priebke, président de l'Association germano-argentine de Bariloche, et l'officier de la Gestapo responsable du massacre des Fosses Ardéatines, près de Rome en 1944.

"Il m'a spontanément parlé de l'épisode des Fosses Ardéatines, arguant qu'il n'était qu'un simple exécutant des ordres d'Adolf Hitler, s'étonne encore Esteban Buch dans une conversation avec l'AFP. Jusque là, la rumeur disait qu'il était l'un des fameux nazis installés à Bariloche. J'ai eu la confirmation récemment que c'est mon livre qui est à l'origine de l'arrestation", de cet ex-officier nazi, extradé en 1995 en Italie où il avait été condamné à la réclusion à perpétuité en 1998.

L'ancien agent de renseignement nazis, Reinhard Kops, est mort à 86 ans à Bariloche sous le pseudonyme de Juan Maler, alors que des organisations juives demandaient sa capture pour crimes contre l'humanité. Le Dr Josef Mengele, qui utilisait les prisonniers d'Auchwitz comme des cobayes, a vécu à Buenos Aires, et peut-être même à Bariloche.

Nazis, fascistes, oustachis

Des milliers de nazis, oustachis croates, fascistes italiens ont débarqué en Argentine avec la bénédiction du président, le général Juan Peron (1946-52, 1952-55), selon le centre Simon Wiesenthal.

Ante Pavelic, fondateur du mouvement des Oustachis croates pro-nazi, Dinko Sakic, ex-commandant du camp de concentration de Jasenovac (Croatie), Josef Schwammberger, qui dirigeait des camps de travaux forcés près de Cracovie (Pologne) ou Adolf Eichmann ont été accueillis en Argentine. Ce dernier, artisan de la Solution finale, a été capturé par le Mossad et jugé en Israël.

Le tabou de la présence nazie reste total chez les Allemands de Bariloche du quartier de Belgrano. A l'Association germano-allemande, personne ne veut s'exprimer, idem à l'école allemande Primo Carpraro, qui s'est récemment ouverte aux Argentins de souche.

Le seul à s'exprimer avant d'observer à nouveau le silence est Jorge Priebke, 68 ans, un des deux fils du criminel nazi. Face au casse-tête de l'indésirable sépulture, Jorge Priebke a déclaré: "Qu'ils enterrent mon père en Israël".

Erich Priebke souhaitait reposer dans le cimetière de cette ville de Bariloche, au côté de son épouse, mais l'Argentine s'y est fermement opposée.

La maison où vivait l'ancien nazi Erich Priebke à Bariloche [Daniel Luna / AFP/Archives]
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La maison où vivait l'ancien nazi Erich Priebke à Bariloche
 

Pour beaucoup d'habitants de Bariloche, la deuxième guerre mondiale, la Shoah, sont des évènements historiques bien lointains pour s'intéresser au sort du cercueil d'Erich Priebke.

"Bariloche était un paradis pour les Nazis dont la présence était un tabou. Aujourd'hui, les vieux Allemands se sont murés dans un pacte de silence. Personne ne veut raconter l'histoire des parents ou grands-parents. Personne ne veut avoir un nazi dans la famille, même mort", explique Abel Basti, auteur de plusieurs ouvrages controversés sur les Allemands de Bariloche.

Les nazis de Bariloche jouissaient d'un tel sentiment d'impunité dans cette ville isolée, qu'Erich Priebke y vivait sous sa véritable identité, alors qu'il était arrivé en Argentine en 1946 sous le nom d'Otto Pappe.

Successivement chef de rang dans un hôtel, propriétaire d'une charcuterie puis d'un centre privé de consultations, Erich Priebke était respecté et très aimé de la communauté allemande dont il était un des leaders. Il avait l'habitude de célébrer avec les Allemands de Bariloche le 20 avril, jour de la naissance d'Adolf Hitler.

Pour Carlos Echeverria, réalisateur d'un documentaire sur Priebke, "Pacte de silence" (2006), les chancelleries européennes ont fait preuve de complaisance. "La démocratie chrétienne européenne a laissé les fugitifs en paix, Priebke ne se cachait pas. Dans les années 1950, le gouvernement allemand a réincorporé des membres des SS et de la Gestapo. Priebke était tranquille ici: ses amis étaient dans l'appareil d'état en Allemagne".

D'après Sergio Wieder, le responsable en Amérique latine du Centre Simon Wiesenthal, il n'y actuellement aucune évidence de la présence en Argentine ou dans la région de criminels nazis, mais, prévient-il, "on ne peut rien écarter".

 

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