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La désillusion de la jeunesse afghane face à la politique

De jeunes Afghans dans une rue commerçante de Kaboul, en juillet 2012 [Massoud Hossaini / AFP/Archives] De jeunes Afghans dans une rue commerçante de Kaboul, en juillet 2012 [Massoud Hossaini / AFP/Archives]

La jeunesse afghane rêvait de voir du sang neuf innerver la vie politique pour la présidentielle d'avril, mais déchante déjà car les candidats au scrutin sont tous des représentants d'une vieille garde souvent responsable des malheurs du pays.

L'Afghanistan est un pays jeune: sur près de 30 millions d'habitants, plus d'une personne sur quatre a moins de 25 ans.

La jeune génération qui se rendra aux urnes lors de la présidentielle du 5 avril prochain est née sous le joug de l'occupation soviétique (1979-1989), ou pendant la guerre civile (1992-1996) qui a précédé le régime intégriste des talibans (1996-2001).

Ces jeunes ont connu la guerre, les renversements de régime, les luttes de pouvoir entre potentats locaux, les violences et attentats qui encore aujourd'hui saignent le pays.

La chute des talibans en 2001 a toutefois permis d'introduire la démocratie en Afghanistan. Une démocratie certes balbutiante, gangrénée par la corruption et sise sur des institutions fragiles soutenues à bout de bras par la communauté internationale, mais une démocratie malgré tout, sous laquelle la nouvelle génération afghane a fait son éducation politique, et trouvé l'envie de participer au destin de son pays.

"Nous souhaitons que de la présidentielle ait lieu. Parce qu'on sait bien qu'il n'y a pas d'autre moyen de sortir de la crise", dit Mohammad Sangar Hamedzai, 27 ans, président de Réseau des jeunes militants pour les réformes et le changement, qui regroupe une quarantaine d'organisations de la société civile.

"Mais nous sommes préoccupés par le passé de certains candidats qui ont été impliqués dans les guerres, voire des crimes de guerre", souligne-t-il.

De fait, la publication dimanche de la liste des 27 candidats à la présidentielle a été une cruelle déception pour certains. Des anciens chefs de guerre, des proches du pouvoir, des noms vus et déjà vus lors des précédents scrutins, et surtout connus depuis des décennies pour leur rôle dans les déchirements du pays.

Un choix entre "le mauvais et le pire"

Abdul Rasul Sayyaf par exemple. Cet ancien chef de guerre controversé candidat à l'élection est considéré comme le "mentor" de Khaled Cheikh Mohammed, cerveau autoproclamé des attentats du 11-Septembre. Ses milices avaient été mises en cause dans un rapport de l'ONU pour le massacre de centaines de Hazaras chiites à Kaboul en 1993.

Dans un autre style, le scrutin propose également plusieurs proches du président actuel, Hamid Karzaï, dont Zalmai Rassoul, son ministre des Affaires étrangères, et Qayum Karzaï, son frère aîné.

"Une fois encore, ce sont des candidats du passé qui sont en lice, et malheureusement deux tiers d'entre eux ont une histoire sombre", regrette Aziz Tayeb, 25 ans, président du Parlement des jeunes, une initiative destinée à encourager la nouvelle génération à s'intéresser à la politique.

"Nous irons voter, mais au bout du compte cela consistera à choisir entre le mauvais et le pire", lâche-t-il.

Selon Aziz "les tickets ont été constitués en fonction des ethnies", pour ratisser large dans une élection où les candidats doivent rassembler au-delà de leur ethnie d'origine pour espérer l'emporter.

"Il n'y a pas de programme politique, pas plus qu'il n'y a de projet pour les jeunes", ajoute-t-il.

L'annonce des candidatures a été abondamment critiquée sur les réseaux sociaux, lieu d'expression privilégié des jeunes éduqués et qui ont connu un essor vertigineux ces dernières années en Afghanistan.

La candidature d'Ashraf Ghani, économiste réputé, et de son vice-président potentiel, Abdul Rasheed Dostum, ex-combattant communiste? "Un super intellectuel avec un super criminel", estime un internaute afghan sur Facebook.

Entre autres crimes de guerre, M. Dostum est accusé d'avoir autorisé le massacre de centaines de prisonniers talibans en 2001. Lundi, il a présenté publiquement des "excuses", un acte de contrition remarqué, à la fois pour son caractère inédit, mais aussi parce qu'il est intervenu au lendemain de l'annonce de sa candidature à la vice-présidence.

La ficelle est trop grosse pour Ahmad Shabir, un étudiant de médecine de 27 ans, qui y voit un coup politique destiné à "faire en sorte que les sujets sensibles, comme les crimes de guerre, ne soient pas abordés pendant la campagne".

"Ce ne sont pas des excuses que nous voulons (des candidats). Ce qu'on veut, c'est qu'ils soient traduits devant la justice".

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