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Inde: l'aide alimentaire entre corruption et efficacité

Le magasinier indien Brij Kishore (d) traite la carte de rationnement d'une cliente d'un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013 [Roberto Schmidt / AFP/Archives] Le magasinier indien Brij Kishore (d) traite la carte de rationnement d'une cliente d'un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013 [Roberto Schmidt / AFP/Archives]

Le plan d'aide alimentaire voté par le parlement indien, le plus vaste au monde jamais mis en place, s'appuie sur des centaines de milliers d'échoppes qui distribuent riz et blé. Mais ses critiques doutent de son efficacité à cause de la corruption.

Le parlement a adopté en début de semaine un plan de 230 milliards de roupies (3,8 milliards de dollars américain), destiné à fournir des céréales subventionnées à près de 70% de la population, soit 810 millions de personnes. Ajouté aux précédentes mesures, l'aide alimentaire dispensée par le gouvernement se chiffre à 19 milliards de dollars par an.

Brij Kishore, 52 ans, travaille dans un des 500.000 dispensaires alimentaires que compte l'Inde. Dans son Fair Price Shop (magasin à prix juste), situé dans le nord du New Delhi, s'entassent les sacs de blé, de sucre et de riz, distribués aux clients à des prix très réduits.

La nouvelle loi prévoit de fournir 5 kg de céréales par mois et par personne au prix d'une roupie le kilo.

Jusqu'à présent, toutes les familles indiennes pouvaient réclamer une carte de ration et recevoir 35 kg de céréales à faible prix, a expliqué un responsable du ministère de l'Alimentation. La nouvelle loi permettra de mieux cibler les familles qui en ont le plus besoin, ajoute-t-il.

Mais les bénéficiaires se plaignent régulièrement d'être trompés par les commerçants, qui rognent les rations afin de vendre le surplus au marché noir.

"On a reçu 20 kg de blé et 5 kg de riz, et le blé est plein de saletés", rouspète Santosh, 35 ans, mère de quatre enfant avec un mari au chômage. Elle affirme recevoir 10 kg de moins que sa ration mensuelle.

"Nous travaillons pour quasiment aucun bénéfice", explique Brij Kishore, qui estime à moins de 10.000 roupies (moins de 150 dollars) son revenu mensuel. "Mais on est obligé de vendre (ces céréales subventionnées), on ne nous laisse pas le choix".

Le magasinier indien Brij Kishore (d) traite la carte de rationnement d'une cliente d'un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013 [Roberto Schmidt / AFP/Archives]
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Le magasinier indien Brij Kishore (d) traite la carte de rationnement d'une cliente d'un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013

Il admet vendre le surplus qu'il lui reste à la fin du mois, une nécessité selon lui afin de pouvoir vivre. Il affirme recevoir seulement 12 roupies de commission pour 35 kg vendus, une somme qui n'a pas bougé depuis des années.

L'aide alimentaire publique est destinée à lutter contre la malnutrition, qui affecte 42% des enfants de moins de cinq ans selon une étude de 2012, un phénomène qualifié par le Premier ministre Manmohan Singh de "honte nationale" pour la 3e puissance économique d'Asie.

Les prix des denrées ont flambé ces sept dernières années, aggravant les difficultés d'un pays qui lutte toujours pour nourrir correctement sa population de 1,2 milliard, en dépit de son solide essor économique depuis une vingtaine d'années.

Les critiques du nouveau plan le juge populiste, soulignant qu'il intervient quelques mois avant les élections générales du printemps 2014. Et doutent surtout de son efficacité.

Selon une étude gouvernementale de 2005, toujours largement commentée, 58% des céréales distribuées dans le cadre du Système public de distribution (PDS) ne parviennent pas à leurs destinataires.

D'autres études ont cependant souligné des améliorations. Une enquête dans neuf Etats en 2011 a montré que 97% des destinataires recevaient leurs rations dans le Chhattisgarh (centre). Au Bihar (nord), un des Etats les plus pauvres du pays, le ratio est de seulement 18%...

L'économiste Jean Dreze, conseiller du gouvernement au début du projet, reconnait que des réformes doivent être appliqués au PDS. Il regrette notamment que le programme ne soit pas informatisé.

Le magasinier indien Brij Kishore (d) reçoit un client dans un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013 [Roberto Schmidt / AFP/Archives]
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Le magasinier indien Brij Kishore (d) reçoit un client dans un dispensaire gouvernemental à Delhi le 10 juillet 2013

Mais la population est plus au courant de ses droits et la nouvelle loi rendra le système plus ciblé, et donc plus efficace. Le nouveau plan d'aide alimentaire "vise à redresser une situation qui freine énormément l'économie et qui pèse sur le bien-être des gens", déclare-t-il.

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