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Avec les 500 derniers militaires français en Afghanistan

Lundi 24 juin : les militaires français sur le tarmac de l'aéroport de Kaboul, sur la base de KAIA. [Mattis Meichler]

Ils étaient 4000 au plus fort de la présence française en Afghanistan. Depuis lundi 1er juillet, ils ne sont plus que 500. Jusqu'au retrait définitif en 2014, les derniers militaires français en Afghanistan continueront à assurer des missions essentielles.

 

Si les opérations de combat sont terminées depuis décembre, l'armée française reste impliquée dans cinq domaines : la gestion de l'hôpital militaire et de l'aéroport de Kaboul, la formation des cadres de l'armée afghane, le désengagement du matériel, et la gestion du laboratoire européen contre les IED (engins explosifs improvisés).

 

Le meilleur hôpital d'Afghanistan

Situé sur la base militaire des forces internationales à Kaboul (KAIA), l'hôpital militaire dirigé par les Français n'a rien à envier aux meilleurs établissements parisiens. Respectant à la lettre les mesures d'hygiène, il offre des locaux spacieux et bien agencés. A l'accueil, quelques civils afghans patientent tranquillement, souvent en famille, dans l'attente d'un rendez-vous avec un médecin.

Ils savent qu'ils peuvent trouver ici un service de qualité, bien au-dessus de ce qu'on trouve dans le reste du pays. "Nous sommes aux standards européens et français, que ce soit en termes d'organisation ou de matériel", explique le colonel Gilles, médecin-chef de l'hôpital.

L'hôpital accueille 111 médecins, dont 90 français, qui soignent en moyenne 1500 patients par mois : des soldats et personnels de l'OTAN et de l'ISAF mais aussi, pour moitié, des civils afghans. L'établissement offre tous les services nécessaires : urgences, rénimation, radiologie, echographie, scanner, et même ophtalmologie, kiné, dentiste et psychatrie.

Et les VIP ne s'y trompent pas : l'ensemble des dirigeants afghans vient s'y faire soigner.Le président Hamid Karzaï lui-même est un habitué du cabinet dentaire. A Kaboul, il se murmure ainsi que le départ programmé des Français inquiète dans les hautes sphères du pouvoir, où l'on craint de ne pas trouver de véritable alternative pour se faire soigner.

 

L'hôpital militaire de la base de KAIA est aux standards français et européens. 

 

En accueillant des civils, les médecins ont parfois été confrontés à des situations improbables : deux ou trois insurgés talibans ont été soignés dans l'hôpital depuis sa mise en service, en 2009.

"Lorsqu'il s'agit d'une situation d'urgence, on soigne le patient avant de nous soucier de son identité, explique le colonel Thierry, chirurgien. Ce n'est qu'ensuite que la police militaire procède à une identification par scanner rétinien, une procédure systématique".

Lorsque des blessés arrivent dans l'hôpital, leur corps entier est scanné, les blessures multiples, contractées lors d'attaques des insurgés, étant monnaie courante. "Il y a quelques années, on voyait beaucoup de blessures par balles, explique le colonel Thierry. Mais aujourd'hui avec les IED on se retrouve souvent avec des personnes dont les membres inférieurs ont été touchés, voire arrachés".  

Zaman, 33 ans, est hospitalisé depuis une vingtaine de jours. Il a perdu ses deux jambes en marchant sur une mine il y a une dizaine d'années, alors qu'il se rendait à l'université. Et ses blessures, mal soignées dans des hôpitaux afghans, ont entraîné de nombreuses complications. Désormais en bonne santé, il se montre reconnaissant envers les Français. "Ce serait mieux qu'ils restent ici, car c'est plus sûr pour nous, explique-t-il. Ils sont très polis, et ils ont fait du bon travail avec moi".

"Les explosions de mines engendrent des lésions terribles, déplore le Pr Peycru, du service des Urgences. On s'interroge sur l'avenir de ces Afghans, dans un pays aussi pauvre avec des structures sanitaires inadaptées". 

 

Zaman a perdu ses deux jambes en sautant sur une mine. 

 

Les "Experts" à Kaboul

Effectif depuis juillet 2011 et transféré récemment sur la base de KAIA, le laboratoire EOD ("Explosive Ordnance Disposal" - en français "Neutralisation, enlèvement, destruction des engins explosifs") est chargé d'identifier la nature et la provenance des explosifs. Financé par l'Agence européenne de Défense, il regroupe 15 pays européens sous la direction du lieutenant-colonel Charles.

Lorsqu'une attaque a lieu, une équipe est chargée de prélever tous les élements pouvant donner des indications sur les IED utilisés. Ces indices sont ensuite étudiés en laboratoire, grâce à un équipement perfectionné. Les résultats des analyses permettent d'améliorer la prévention en alertant sur le type de dangers encourus, mais aussi de remonter les filières terroristes ou de couper l'approvisionnement des insurgés. Plusieurs centaines d'individus ont ainsi pu être arrêtés grâce aux experts du laboratoire contre-IED. 

 

Les insurgés utilisent divers types de détonateurs pour actionner les IED. 

 

"Nous sommes les "Experts" à Kaboul, sauf qu'ici c'est pour de vrai, et ça peut être potentiellement dangereux, explique le lieutenant-colonel Charles. Il y a deux mois, on nous a apporté une fiole contenant un liquide jaune visqueux trouvé sur un véhicule remplis d'explosifs, qu'on nous a présenté comme étant de l'huile. Mais c'était de la nitroglycérine liquide".

Les experts sont confrontés à une grande variété d'engins explosifs. "Dans une grande partie du pays, il s'agit souvent de plateaux de pression, fabriqués avec deux planches de bois et du carbone, qui peuvent faire de gros dégâts. Dans la capitale, ont a plus affaire à des attaques ciblées dont le but est avant tout médiatique, avec des IED magnétiques, explique le lieutenant-colonel Charles. Les ennemis savent ce qu'ils font".

Les RCIED, engins explosifs actionnés à distance, sont aussi en pleine recrudescence. On trouve une grande variété d'engins explosifs et de systèmes pour les actionner : fabriqués avec de l'engrais ou encore de chlorate de potassium, les explosifs peuvent être actionné à l'aide de téléphones portables, de télécommandes d'ouverture de portail ou de voiture, de circuits imprimés... "Lorsqu'il s'agit de tuer son prochain, l'imagination de l'Homme est sans limites", déplore le lieutenant-colonel Charles. 

 

Le lieutenant-colonel Charles et son équipe identifient les différents types d'explosifs afin de remonter les filières. 

 

Crédits photo : Mattis Meichler

 

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