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Chine: joies et soucis d'une famille de la classe moyenne

Chi Shubo et sa fille Nancy, dans leur appartement en banlieue de Pékin, le 12 mai 2013 [Wang Zhao / AFP/Archives] Chi Shubo et sa fille Nancy, dans leur appartement en banlieue de Pékin, le 12 mai 2013 [Wang Zhao / AFP/Archives]

Avec leurs deux voitures et une domestique qui fait la cuisine dans leur appartement de cinq pièces en banlieue de Pékin, Li Na, Chi Shubo et leur fille Nancy forment une famille typique de la nouvelle classe moyenne chinoise, savourant son aisance matérielle mais impatiente de voir la qualité de vie s'améliorer.

La mère, Li Na, tient un comptoir de restauration dans le zoo de la capitale et le père, Chi Shubo, travaille dans une société d'investissement étatique.

Les revenus du couple se sont littéralement envolés depuis qu'ils sont arrivés à Pékin il y a vingt ans, depuis le Shandong, province côtière de l'est du pays.

A l'époque, rendre visite à son mari sur son lieu de travail impliquait pour Li plusieurs heures de vélo depuis le dortoir collectif où elle était hébergée.

Aujourd'hui, elle file au travail dans une voiture américaine et les époux partent en vacances avec leur fille au Japon, en Corée ou aux Etats-Unis.

Des dizaines de millions de Chinois ont connu le même essor de leur niveau de vie. Selon l'OCDE, 10% des 1,35 milliard de Chinois appartiennent déjà à la classe moyenne. Ils devraient être 40%, ou 560 millions, en 2020.

Mais, à l'égal des plus pauvres, ils s'inquiètent de la pollution, de la sécurité alimentaire et du système éducatif, autant de défis pour les nouveaux dirigeants chinois qui ont promis de réformer le modèle de "croissance à tout prix" de ces trente dernières années.

Chaque année, Li et Chi se fixent un objectif pour vivre mieux. "Nous avons toujours un projet", explique l'épouse. "Cette année, je voudrais par exemple un nouvel appareil photo, et mon mari m'aidera à réaliser ce rêve".

L'appartement de cinq pièces a été l'acquisition la plus lourde du couple: "Nous nous sommes battus durant la moitié de notre vie pour l'acheter", souligne Li Na, devant un petit déjeuner dominical peu chinois, oeufs frits et bacon.

Vautrée sur le grand canapé devant un gigantesque téléviseur Sony à écran plat, Nancy, 11 ans, frotte son nez contre le museau du chien à poils duveteux.

Li Na en voiture avec sa fille Nancy, le 12 mai 2013 à Pékin [Wang Zhao / AFP/Archives]
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Li Na en voiture avec sa fille Nancy, le 12 mai 2013 à Pékin

L'éducation de leur enfant unique passe avant tout, affirme Mme Li. La sonnerie de son iPhone retentit pour l'avertir de la première leçon de la journée de sa fille.

Elle l'emmène au bord de sa Chevrolet Epica au Palais de la jeunesse de l'arrondissement de Haidian, un bâtiment de l'époque maoïste où sont dispensés des cours censés stimuler la créativité des enfants.

Les week-ends, Nancy prend des cours de calligraphie et de badminton avec un entraîneur particulier. L'an dernier, la fille a arrêté le piano pour apprendre l'ocarina, une sorte de petite flûte ovoïde.

En dehors de ces cours et des devoirs scolaires, Nancy n'a que trois ou quatre heures de libre chaque week-end. C'est la condition nécessaire pour réussir dans un système scolaire très élitiste.

Et entrer dans l'un des meilleurs établissements n'est pas seulement affaire de bonnes notes. Il faut parfois faire des "dons" en argent liquide. "Certains parents doivent faire des heures supplémentaires, distribuer des +enveloppes rouges+, et même après ça, le succès dépend de vos relations", explique Mme Li.

Autre souci : la pollution atmosphérique, obsédante à Pékin. Désignant un masque de protection dans la voiture, Nancy raconte : "Maman m'a fait mettre ça tous les jours en janvier et février, à cause du très mauvais taux de particules PM 2,5".

Ces particules ultra-fines, qui pénètrent profondément dans l'appareil respiratoire, ont dépassé jusqu'à plus 20 fois le seuil d'alerte de l'Organisation mondiale de la Santé cet hiver à Pékin.

Installée à midi à la table étincelante d'un restaurant appartenant à une chaîne, la famille prend du porc braisé, du tofu (pâte de soja) épicé et des pains à la vapeur farcis de haricots rouges.

Mais à cause des scandales alimentaires qui secouent régulièrement la Chine, pareilles sorties se font rares. "J'essaye de m'assurer que ma fille mange dehors le moins souvent possible", assure Mme Li.

Li Na et Chi Shubo boivent du vin dans leur appartement de la banlieue de Pékin, le 12 mai 2013 [Wang Zhao / AFP/Archives]
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Li Na et Chi Shubo boivent du vin dans leur appartement de la banlieue de Pékin, le 12 mai 2013

A l'heure du dîner, Nancy se précipite à la porte d'entrée de l'appartement pour accueillir son père. La bonne leur a préparé des dizaines de raviolis aux fruits de mer. Li Na sort une bouteille de vin australien d'une armoire, avant de lui préférer un rouge néo-zélandais.

La famille a énormément profité de plusieurs décennies de croissance effrénée, mais ses attentes vis-à-vis des nouveaux dirigeants, arrivés au pouvoir en novembre, ont jusqu'à présent été déçues.

"Les gens ordinaires perdent confiance dans le gouvernement, à cause de problèmes qui s'accumulent depuis trop longtemps", constate Li Na.

La priorité du pouvoir ne doit pas tant être "d'améliorer l'économie... que la qualité de la vie, afin que n'ayons pas à manger de l'huile de caniveau (recyclée à la sortie des restaurants, NDLR), ou nous inquiéter de la qualité du lait", dit-elle.

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