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Philippe Maxence : "Le pape a décidé de prendre son temps et de réfléchir"

Le pape François lors de l'Angélus du 17 mars Le pape François lors de l'Angélus du 17 mars[Giuseppe Cacace / AFP]

Le pontificat du Pape François commencera effectivement lors de la messe d'installation du 19 mars, jour de la Saint-Joseph. Une date symbolique qui jette un éclairage supplémentaire sur les choix du nouveau Souverain Pontife. Entretien avec Philippe Maxence, rédacteur en chef du bimensuel catholique L'Homme Nouveau qui publie un numéro spécial.

 

Philippe Maxence, rédacteur en chef de L'Homme Nouveau (DR)

 

La date du 19 mars pour la messe d’intronisation du nouveau pape est-elle due au hasard du calendrier ou à un choix délibéré ?

Personne ne pouvait prévoir la renonciation de Benoît XVI, ni l’élection rapide mercredi 13 mars de son successeur, le Pape François 1er. Le 19 mars s’est imposé au calendrier pontifical d’autant plus facilement que l’Église célèbre ce jour-là la fête de saint Joseph, époux de la Vierge Marie mais aussi protecteur de l’Église. Plutôt que de hasard, les catholiques préféreront parler de « providence » puisque cette messe d’intronisation, qui marque le début réel du pontificat, aura lieu le jour où l’Église honore son protecteur, l’humble (lui aussi) et silencieux Joseph, qui apparaît peu dans les Évangiles et qui est considéré comme le modèle des priants et des religieux. Et comme par hasard, le nouveau pape est un religieux.

 

Mais l’Église catholique ne fête-t-elle pas déjà saint Joseph le 1er mai ?

Oui, effectivement, depuis une réforme du calendrier romain, opérée par le pape Pie XII. Mais il s’agit là de la fête de saint Joseph artisan, et Pie XII avait, à cette occasion, bousculé le calendrier afin que cette fête de saint Joseph corresponde à celle, laïque, des travailleurs. L’Église voulait ainsi montrer qu’elle s’intéressait de très près au sort du monde du travail et elle soulignait ainsi le fait que la solution à la condition sociale ne se trouvait pas plus dans le fascisme que dans le communisme. On peut être sûr que cette fête trouvera une nouvelle vigueur avec le Pape François 1er, si intéressé par la condition de la pauvreté et celle des ouvriers.

 

Donc saint Joseph va aussi marquer son pontificat ?

Très certainement ! Mais peut-être à sa manière : discrète. Disons plus, il l’a déjà marqué par le choix de cette date. À ce jour, nous avons même une sorte de triptyque : saint Ignace, du fait des origines jésuites du nouveau souverain pontife, saint François, du fait du choix de ce modèle qui apparaît dans son nom pontifical, et saint Joseph, par la date de la messe d’intronisation. J’ajoute qu’une immense statue de saint Joseph se trouve dans les jardins du Colegio Máximo San José de San Miguel de Buenos Aires où le nouveau pape a fait ses études de théologie.

 

Le Pape François 1er a maintenu l’ancienne équipe de son prédécesseur à la tête des dicastères de la curie romaine. On continue comme avant, alors ?

Saint Thomas d’Aquin dit que la vertu propre du gouvernant n’est pas la sainteté, la force ou l’intelligence, mais la prudence. Le pape a décidé de prendre son temps et de réfléchir. Il ne va pas continuer comme avant – il a déjà montré l’originalité de sa personnalité – mais il entend visiblement réformer en profondeur. Il veut connaître les dossiers avant de trancher.

 

Mais va-t-on vers une rupture avec l’héritage de Benoît XVI ?

Tout dépend ce qu’on appelle rupture. Il y a déjà eu effectivement une rupture de style et de comportement. Sous le feu de l’événement, on parle, par exemple, de la simplicité du nouveau pontife. Mais Benoît XVI était simple aussi, très humble (pour l’avoir rencontré à plusieurs reprises, je peux en témoigner), mais d’une simplicité plus discrète, effacé même. François 1er a, si l’on peut dire, une simplicité plus parlante, plus ostentatoire, plus visible et donc plus médiatique. Là où Benoît XVI était simple au point de faire disparaître sa personne sous la fonction, François 1er n’a pas encore pris toute la dimension de la fonction pontificale – et on le comprend, c’est une telle charge. En poussant un peu les choses, je dirais que sa personne prend, pour l’instant, le dessus sur la fonction.

 

Mais doit-on s’attendre à une rupture sur le fond ?

L’Église repose davantage sur la continuité que sur les bouleversements. En revanche, elle agit à travers des accentuations différentes selon les papes et les époques, des mises en évidence de tel ou tel aspect du message chrétien plutôt que d’autres. Mais votre question est pertinente dans la mesure où l’on peut se demander si en choisissant en 2013 le challenger du cardinal Ratzinger au conclave de 2005 et en prenant un homme âgé et malade alors que Benoît XVI renonçait pour laisser place à un pape plus jeune et vigoureux, les cardinaux n’ont pas voulu mettre entre parenthèse ce pontificat. Mais quelles que furent les raisons des cardinaux électeurs, raisons bien diverses d’ailleurs, le nouveau pape est libre d’agir dans le sens qu’il entend. On aurait tort cependant d’enterrer le pontificat de Benoît XVI. Il va subir une éclipse forcément et c’est bien compréhensible. Mais il jouera, à sa manière, un rôle dans les années à venir. À mon avis, dans les prochaines dix années, l’Église n’a pas fini de nous surprendre.

 

Vous continuez à l'appeler François 1er ? 

Oui, effectivement, même si l'appellation de Pape François me va très bien et d'ailleurs il est bien ainsi nommé au canon de la messe. Mais en parlant de François 1er, je veux souligner que pour nous, humbles fidèles, il est le pape, au-delà même de ce que nous pouvons éprouver pour sa personne ou du sentiment qu'il éprouve lui-même pour la fonction qu'il occupe aujourd'hui. En poussant un peu les choses, je dirais que nous ne sommes pas sedevacantistes. Le Siège de saint Pierre n'est pas vacant.  Aujourd'hui, il est occupé par François 1er, comme il le fut hier par Benoît XVI, Jean-Paul II ou… l'humble Jean-Paul 1er. 

 

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