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Comme sous la Prohibition, Haddonfield reste au régime sec

Une rue d'Haddonfield, dans le New Jersey, où la vente d'alcool est encore interdite comme sous la Prohibition, le 1er mars 2013 [Raphaelle Picard / AFP] Une rue d'Haddonfield, dans le New Jersey, où la vente d'alcool est encore interdite comme sous la Prohibition, le 1er mars 2013 [Raphaelle Picard / AFP]

Pour qui veut commander une bière à Haddonfield, à un jet de pierre de Philadelphie (est des Etats-Unis), il faut sortir de la ville, car acheter et vendre de l'alcool y reste encore passible de prison, comme sous la Prohibition.

Dans le centre de cette bourgade de 11.500 habitants fondée par les Quakers, un bar à jus, des salons de thé rococo et des cafés où l'on ne sert que des chocolats chauds.

Mais au bout des deux grands axes qui conduisent hors de la ville, à la frontière exacte avec les communes voisines, on trouve un pub, un caviste, ou encore un bar dans un country-club.

Chez Nero, club de fumeurs de cigares et institution d'Haddonfield, les clients fument leur Havane en sirotant des capuccinos dans des gobelets. "C'est une loi archaïque et religieuse qui devrait changer", regrette Michael Di Placido, calé dans un gros fauteuil de cuir.

Son ami, Michael Pav, "voudrait pouvoir boire un verre à Haddonfield après le travail: les cafés, c'est là où tout le monde se retrouve et s'amuse".

"Les lois sont bizarres! L'alcool est une bonne chose pour la société", souffle-t-il dans un nuage de fumée.

L'enseigne du seul bar d'Haddonfield, The Indian Tavern, devenu un musée en raison de l'interdiction en vigueur sur la vente d'alcool, le 1er mars 2013 [Raphaelle Picard / AFP]
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L'enseigne du seul bar d'Haddonfield, The Indian Tavern, devenu un musée en raison de l'interdiction en vigueur sur la vente d'alcool, le 1er mars 2013
 

Le seul bar de la ville, The Indian Tavern, où les premiers colons ont créé l'Etat du New Jersey en 1776, a été transformé en musée où l'on apprend que la dernière chope de cidre a été servie en 1873.

Car Haddonfield n'a pas attendu le régime de la Prohibition, entré en vigueur en 1920, pour interdire l'alcool. La ville, fortement influencée par les méthodistes et leur ligue de tempérance, en a banni l'existence dès cette époque.

Des centaines de comtés "secs"

"Le New Jersey était un Etat de buveurs de gin", raconte Bill Reynolds, ancien maire d'Haddonfield. "Lutter contre l'alcool et ses vices était un combat moral des méthodistes. Pour eux, c'était la boisson du diable".

Lorsqu'en 1933, Washington décide d'abolir la Prohibition, la loi fédérale laisse aux Etats la latitude de légiférer sur la question.

"Haddonfield s'est empressée d'adopter une résolution pour faire perdurer cette interdiction", explique Doug Rauschenberger, ancien responsable de la bibliothèque municipale.

Aujourd'hui encore, des dizaines de villes et des centaines de comtés, dispersés dans les Etats chrétiens fondamentalistes de la "Bible Belt" (est et sud) sont restés "secs".

Bunny Galland, vice-présidente de la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes, le 1er mars 2013 à Haddonfield, dans le New Jersey [Raphaelle Picard / AFP]
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Bunny Galland, vice-présidente de la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes, le 1er mars 2013 à Haddonfield, dans le New Jersey
 

A Haddonfield, la dernière fois que la loi a été débattue, c'était en 1976 lors d'un référendum convoqué par un restaurateur. "Les gens ont largement voté contre", se souvient la maire Tish Colombi. "Nous formons une bonne vieille communauté et les habitants aiment leur ville comme elle est", ajoute l'édile.

"L'absence d'accès à l'alcool envoie un message positif à nos enfants: ils savent que nous essayons de rendre leur environnement plus sûr et plus heureux et je pense que cela fait la différence", affirme-t-elle.

"Contrairement à ce qu'on raconte, la Prohibition a été un succès", estime Bunny Galland, vice-présidente de la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes (WTCU), une des organisations à l'origine du mouvement."La criminalité a chuté, les prisons ont fermé et même des cliniques du foie ont mis la clé sous la porte".

 
 

C'est le cas du restaurant italien "Tre Famiglia": "Les clients sont plus que contents, ils viennent avec leur bouteille qu'ils ont payée 3 fois moins cher que s'ils l'avaient achetée ici", explique le patron, Robert Cipollone. "Et nous, nous n'avons à payer ni licence, ni assurance".

Ce n'est pas le calcul qu'ont fait deux restaurants à Damascus, l'une des dernières villes "sèches" du Maryland (est). Ils ont obtenu victoire par référendum et leurs clients ont pu boire leur première gorgée de bière légale le mois dernier.

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