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Frédéric Pons : « Les terroristes ont touché au cœur du trésor de l’Algérie »

Frédéric Pons, auteur de "Algérie - Le vrai état des lieux" (Calmann-Lévy) Frédéric Pons, auteur de "Algérie - Le vrai état des lieux" (Calmann-Lévy)[DR]

La prise d’otages perpétrée sur la base d’In Amenas par des djihadistes confronte à nouveau l’Algérie à la menace terroriste. Frédéric Pons, journaliste, rédacteur en chef de Valeurs Actuelles, vient de publier « Algérie, le vrai état des lieux » (Calmann-Lévy). Il analyse la réaction de l’État algérien.

 

Avez-vous été surpris par la radicalité de la riposte algérienne à la prise d’otages ?

Pas une seconde. Face aux menaces terroristes, les autorités algériennes ont toujours réagi de la même manière : rapide, brutale et sans négociation. Cette méthode a été mise au point et validée tout au long de l’impitoyable guerre menée pendant dix ans (1992-2002) contre le terrorisme islamiste. Elle a finalement réussi à éradiquer la quasi totalité des maquis islamistes.

 

Du point de vue tactique, est-ce aussi du déjà-vu ?

Oui, face aux quelques bandes islamistes résiduelles qu’elles peuvent encore intercepter, les autorités algériennes procèdent toujours de la même manière : encerclement, bombardement par l’aviation ou les hélicoptères, ratissage au sol par les forces terrestres. C’est exactement ce qui s’est passé à In Amenas.

 

La présence d’étrangers en nombre n’y a rien changé ?

Le régime algérien a procédé à l’analyse « sèche » du rapport pertes / profits. Fins politiques, les Algériens connaissent parfaitement les codes étrangers. Ils ont donc clairement évalué l’impact possible des pertes de vies étrangères mais cela n’a pas pesé lourd dans la balance, au regard de tout ce qu’ils auraient perdu en laissant pourrir la situation, ce qui aurait avantagé les preneurs d’otages.

 

Mais le mal est partiellement fait cependant ?

L’Algérie a fait le choix du moindre mal. Dans la région, la négociation aurait été interprétée comme un aveu de faiblesse, le pire pour ce régime qui a tenu par sa force, souvent brutale, et sa capacité de dissuasion. Les patrons d’aujourd’hui sont ceux qui ont combattu le terrorisme dans les années 90, ou leurs fils spirituels. Négocier revenait pour eux à subir la loi des terroristes et à ruiner vingt ans d’efforts.

 

Dans le cas présent, les autorités n’auraient-elles pas eu intérêt à graduer leur riposte ?

Non, car pour la première fois, les terroristes ont touché au cœur du trésor de l’Algérie, l’ « assurance-vie » du régime : la production gazière et pétrolière. L’Etat ne doit laisser croire, en aucune manière, que ses sites énergétiques sont vulnérables. C’est vital pour lui. Cette ressource assure 90% des exportations et 30% du PIB de l’Algérie. Les autorités assument ces morts mais elles démontrent aussi qu’elles ne fléchiront jamais.

 

L’Etat va-t-il devoir revoir sa doctrine en matière de sécurité ?

Il existait jusqu’à présent un consensus tacite, y compris chez les terroristes, sur la préservation des richesses énergétiques. Ce n’est plus le cas. Une nouvelle phase commence. L’Etat va devoir renforcer la sécurité des sites d’exploitation. Soit en envoyant des renforts – ce qui risque de dégarnir des zones sensibles –, soit en acceptant la présence de contractants étrangers, ce qui ne sera pas forcément bien vu par l’opinion.

 

Lorsque François Hollande affirme qu’il ne dispose pas d’informations suffisantes pour évaluer la situation, cela vous paraît-il crédible ?

C’est en effet probable. Sans moyens de renseignements fiables sur place, la France dispose de peu de sources crédibles.  Je pense même que les autorités algériennes ne disposent pas de toutes les informations. Les événements se déroulant à 1400 km d’Alger, dans une zone désertique, il faut du temps pour regrouper les renseignements, croiser et valider les rapports, avant de les faire remonter aux autorités.

 

Heure par heure : la prise d'otages en direct

 

Algérie. Le vrai état des lieux, de Frédéric Pons, Calmann-Lévy, 423 pages, 20,90 euros.

 

 

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