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Syrie : des handicapés mentaux oubliés de tous

Des patiens de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep, le 18 décembre 2012 [ / AFP] Des patiens de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep, le 18 décembre 2012 [ / AFP]

"Ils n'ont pas de médicaments depuis des mois et chaque jour leur situation se détériore": l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, au coeur de la Vieille ville d'Alep, héberge une soixantaine d'handicapés, dépourvus de tout depuis le début des combats.

"Il n'y a ni lumière, ni chauffage, ni eau courante dans les sanitaires, ils ont à peine de quoi manger", explique Abou Abdou, responsable de cet établissement, situé sur la ligne de front entre armée et rebelles dans la métropole du nord syrien, où des combats sans merci ont débuté fin juillet.

"Si les habitants du quartier ne leur donnaient pas de quoi manger, ils seraient morts d'inanition depuis bien longtemps", assure cet infirmier.

"Le personnel a cessé de venir quand la guerre a commencé à Alep. Ils ont abandonné les patients. Moi, cela fait plus de cinq ans que je travaille avec eux, c'est comme ma famille, et je ne les lâcherai pas et ne les laisserai pas mourir de faim ou de froid", lance Abou Abdou. "Je lutte pour eux chaque jour".

Cet infirmier tend une cigarette à Omar Satout, vieil homme en treillis "qui se prend pour un officier de l'armée et veut aller se battre contre Israël", puis présente le plus jeune des internés Mohammad Matar, pieds nus et vêtu d'un simple polo, dont les dents claquent de froid.

Un patient de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep le 18 décembre 2012 [ / AFP]
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Un patient de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep le 18 décembre 2012
 

"Ces quatre derniers mois, huit personnes sont mortes. Nous essayons de nous occuper d'eux du mieux possible, mais le plus étonnant c'est qu'ils soient encore en vie", confie Abou Abdou. Lui et deux autres anciens salariés viennent chaque jour à l'asile, bien qu'ils ne soient plus payés depuis des mois.

Cet édifice imposant, construit dans la Vieille ville, autrefois bruyante et bondée, compte une trentaine de chambres autour de deux cours d'où l'on peut admirer la majestueuse cité médiévale.

Il a été touché à plusieurs reprises par l'artillerie du régime de Bachar al-Assad, qui réprime dans le sang depuis mi-mars 2011 un soulèvement populaire devenu au fil des mois une rébellion armée.

"Quand on est bombardé, on met tous les patients dans la même chambre pour éviter qu'ils deviennent trop nerveux et on essaie de les calmer", raconte Abou Abdou, pointant du doigt un énorme trou, impact d'un obus.

Depuis quatre mois, "les docteurs ont cessé de venir par peur des bombes. Même le directeur passe au mieux que deux ou trois fois par semaine".

 

"Condamnés à mourir de froid"

Nus pieds sous des trombes d'eau glaciale, Walid Assiad déambule d'un mur à l'autre dans la cour. Dans une chambre, Mohammad grelotte, recroquevillé sous une fine couverture. Partout, le froid se fait mordant.

Un patient de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep le 18 décembre 2012 [ / AFP]
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Un patient de l'hôpital psychiatrique Dar Al-Ajaza, à Alep le 18 décembre 2012
 

"Et le pire reste à venir", avertit Abou Abdou. "Quand arriveront le gel et la neige, ça va être terrible. J'ai peur que beaucoup d'entre eux ne passent pas l'hiver. Sans chauffage, ils sont condamnés à mourir de froid".

Dar al-Ajaza n'abrite pas que des handicapés mentaux: on y rencontre aussi des personnes âgées ayant perdu toute leur famille, des gens atteints du syndrome de Down, des handicapés physiques.

Dans le deuxième bâtiment se trouve la pire pièce de tout l'hôpital. Y sont enfermés ceux dont l'état ne permet pas de les laisser errer seuls. Un fois ouvert le verrou bloquant une double porte en verre, l'odeur est nauséabonde, mêlant effluves d'urine, de fèces et de vomis.

Douze patients sont regroupés dans 10 mètres carrés -onze d'entre eux se partagent trois matelas jaunâtres, et le dernier, qui ne peut bouger que les bras et le cou, est allongé sous une couverture. Il est couvert de blessures et le chevet de son lit est souillé de vomissures.

"Nous les lavons chaque jour, car la plupart ne sont pas capables d'aller seuls aux toilettes, et ils se font dessus", affirme Abou Abdou.

Sans médicaments, "nous ne pouvons absolument rien faire pour les aider quand ils ont des crises violentes, si ce n'est les enfermer seuls dans une chambre jusqu'à ce qu'ils se lassent de frapper", commente l'infirmier en refermant la porte.

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