En direct
A suivre

Snégaroff : "Les pro-armes font profil bas"

Des centaines de personnes se rassemblent à l'église catholique de Newtown où est célébrée une messe le 14 décembre 2012 après la fusillade dans une école de la ville.[Emmanuel Dunand / AFP]

Le massacre de Newtown, lors duquel 28 personnes ont trouvé la mort (dont vingt enfants âgés de 6 à 7 ans) relance une fois de plus le débat sur les armes à feu aux Etats-Unis.

Plusieurs responsables politiques ont appelé à vite s'attaquer au problème et le président américain Barack Obama a évoqué samedi la nécessité de prendre "des mesures significatives pour empêcher de telles tragédies». Une sénatrice va proposer de bannir les fusils d'assaut dès l'entrée en fonction du nouveau Congrès début janvier. L’analyse de Thomas Snégaroff, spécialiste des Etats-Unis et directeur de recherche à l’Iris (Institut de Relations Internationales et Stratégiques).

 

Barack Obama a-t-il déjà exprimé sa position sur le port d’armes à feu aux Etats-Unis ?

Thomas Snégaroff: on ne connaît pas sa position. Il a seulement émis une critique en 2004 quand le Congrès n’a pas voté la reconduction de l’interdiction des armes d’assaut, mise en place sous Bill Clinton, dans les années 1990. Les démocrates se méfient et osent rarement prendre position sur le sujet, car ils sont persuadés qu’ils ont perdu les élections en 2000 à cause de cette mesure votée sous Clinton.

 

Les tueries d’Aurora (12 morts en juillet dernier) ou de Tucson (6 morts en janvier 2011) n’ont pas fait bouger les lignes. Pensez-vous que ce nouveau massacre va changer les choses ?

Beaucoup de spécialistes pensent que cela ne changera rien car la NRA (National Rifle Association, le lobby des armes à feu) est très puissante et le Congrès (notamment la Chambre des représentants, où les républicains sont majoritaires) hostile à tout changement à ce sujet. Mais le Congrès peut bouger s’il y a une mobilisation des Américains. C’est vraiment l’émotion populaire qui peut faire bouger les choses. Le fait que la tuerie se soit produite dans un quartier blanc, avec des enfants très petits – et qui plus est en cette période de Noël- entraîne un phénomène d’identification très fort.

 

De là à réclamer l’interdiction du port d'armes à feu ?

Non, on imagine plutôt un durcissement des conditions de ports d’armes. Il y a environ 290 millions d’armes à feu aux Etats-Unis. Il est donc très difficile d’imaginer une interdiction, ne serait-ce que d’un point de vue pratique. Mais on peut par exemple limiter l’accès à certaines armes ou harmoniser la législation entre les différents Etats. Dans certains, comme en Arizona, on peut même circuler sans permis spécial avec une arme dissimulée dans un lieu public, comme un restaurant!

Mais la question n’est pas de rendre illégal ou non le port d’arme, car deux tiers des crimes sont commis avec des armes détenues illégalement.

 

Que disent les pro-armes à feu ?

Pour le moment, ils font profil bas et restent plus ou moins silencieux : la NRA dit qu’il faut attendre la fin de l’enquête avant de polémiquer. De manière générale, sa logique est toujours la même : plus il y a d’armes, plus on est protégé. Larry Pratt, qui dirige l'association pro-armes Gun Owners of America, défend quant à lui l’idée selon laquelle si ces tueries surviennent dans des écoles, c’est qu’il n’y a pas d’adulte (armé) pour les empêcher. Le port d’armes permet de se défendre face à un Etat défaillant et c’est une question de liberté individuelle, inscrite dans la Constitution (le fameux deuxième amendement). C’est une question culturelle à laquelle les Américains sont très attachés.

En fait, cette tragédie va probablement entraîner le renforcement de la sécurité à l’école, car il est plus facile de faire cela que de remettre en question tout un modèle de société.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités