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Luis Martinez : "le travail de réconciliation n'a pas été fait"

Un milicen de la tribu Zawiya. Près de 500 milices quadrillent le territoire libyen. [JOSEPH EID / AFP]

Alors qu’on célébrera samedi le premier anniversaire de la mort de Mouammar Kadhafi, la Libye reste confrontée à une instabilité chronique.

De larges parties du territoire restent sous la coupe des quelque 500 milices recensées et les autorités peinent à assurer la sécurité, comme l'explique Luis Martinez, politologue à Sciences Po.

Quelle est la situation de la Libye un an après la mort de Kadhafi ? 

Sur le plan sécuritaire, le bilan est très mitigé. La Libye est confrontée à des accrochages violents entre partisans de l'ancien régime et miliciens ralliés au gouvernement. Le travail de réconcilitation n'a pas été fait. Sur le plan de la reconstruction de l'appareil sécuritaire, on constate aussi beaucoup de déficiences, comme l'a montré l'assassinat de l'ambassadeur américain. Le gouvernement de transition rechigne à forcer les milices à désarmer, de peur d'être emporté par une éventuelle riposte. 

Comment expliquer cette impuissance des autorités ? 

Les miliciens ne veulent pas obéir à des supérieurs hiérarchiques qui ne sont pas issus des mêmes territoires qu'eux et qui sont souvent des anciens du régime de Kadhafi, qui ont rejoint la rebellion sur le tard. Et le gouvernement actuel ne dispose d'aucun moyen de contrainte face aux milices. La seule chose qu'il peut faire, c'est acheter les miliciens. Actuellement, on envoie des émissaires avec des valises pleines d'argent pour acheter leur loyauté. Mais cela coûte très cher et incite paradoxalement les milices à désobéir pour monnayer ensuite leur ralliement. La véritable question, c'est : que fait-on des milices dans un pays qui ne veut plus faire la guerre ? 

Quel est le poids des salafistes dans ces milices ? 

Ces milices sont très hétérogènes, à l'image de la société libyenne. Elles sont en constante évolution. Aujourd'hui, le salafisme est présent, mais pas plus qu'il ne l'était sous Kadhafi. Ce qui se passe, c'est que les salafistes n'ont pas obtenu les représentants qu'ils souhaitaient au sein du pouvoir et certains se sont constitués en milices. Il faut toutefois se méfier du discours du gouvernement libyen qui assimile systématiquement les milices aux salafistes, car il s'agit pour lui d'obtenir le soutien de la communauté internationale.      

Quel objectif poursuivent les miliciens ? 

Les milices sont un levier d'action et de négociation pour obtenir du pouvoir Elles se livrent à ce que l'on pourrait assimiler à du lobbying, mais avec des moyens militaires conséquents. 

Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?  

A moyen terme, le nouveau régime libyen a offert un agenda politique clair, avec une nouvelle Constitution, des élections... Mais sur le plan économique, si la Libye peut compter sur les revenus tirés des exportations d'hydrocarbures, la reconstruction des villes et des infrastructures prend du temps. Et elle peut générer des conflits entre régions, certaines pouvant s'estimer lésées. Sur le plan social, il est difficile pour les libyens de retrouver de la confiance dans les rapports humains : les séquelles de l'ancien régime, et de son appareil sécuritaire omniprésent, sont encore fortes. Et le pays a vécu une guerre meurtrière. 50 000 morts, pour une population de 5 à 6 millions d'habitants, c'est énorme. Ces victimes ont des familles qui peuvent appeler à la vengeance. 

Est-ce pour apaiser les esprits que les autorités tiennent à juger elles-mêmes Seif al-Islam Kadhafi, réclamé par la Cour pénale internationale ? 

Il y a une volonté du gouvernement de faire de Seif al-Islam une victime expiatoire. Mais s'il est pendu sur la place publique, les anciens partisans du régime de Kadhafi vont fuir, estimant qu'il n'y a pas de place pour eux dans la nouvelle Libye. Et s'il est condamné équitablement, les victimes de l'ancien régime ne seront pas satisfaites. Elles attendent la peine capitale, car elles veulent la vengeance plus que la justice.

 

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Les milices font la loi en Libye

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