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La marée noire du Prestige devant la justice en Espagne

Ramassage de plaque d'hydrocarbures, le 03 janvier 2003 à Biscacarosse, à la suite du naufrage du pétrolier Prestige au large de la Galice [Patrick Bernard / AFP/Archives] Ramassage de plaque d'hydrocarbures, le 03 janvier 2003 à Biscacarosse, à la suite du naufrage du pétrolier Prestige au large de la Galice [Patrick Bernard / AFP/Archives]

Dix ans après le naufrage du Prestige, le procès de la plus grave marée noire de l'histoire de l'Espagne s'ouvre mardi à La Corogne, en Galice, tandis que les écologistes dénoncent une justice imparfaite et avertissent qu'une telle catastrophe pourrait se répéter.

Lors de ce procès fleuve qui s'achèvera en mai 2013, seront jugés quatre accusés dont le commandant grec du pétrolier, Apostolos Mangouras, âgé de 78 ans. Le tribunal les entendra à partir du 13 novembre, date anniversaire de la catastrophe.

Ce 13 novembre 2002, le Prestige, un pétrolier libérien battant pavillon des Bahamas, chargé de 77.000 tonnes de fuel, subissait une voie d'eau, en pleine tempête, au large de la Galice dans le nord-ouest de l'Espagne.

Après avoir dérivé pendant six jours dans l'Atlantique, le pétrolier se cassait en deux et coulait, à 8 heures du matin le 19 novembre, à 250 kilomètres des côtes par près de 4.000 mètres de fond.

En quelques semaines, environ 50.000 tonnes de fuel se sont échappée de la coque, polluant le littoral espagnol, portugais et français, sur des milliers de kilomètres. Plus de 300.000 volontaires venus de toute l'Europe ont participé au nettoyage des plages et des rochers souillés.

Dix ans plus tard, le Tribunal supérieur de justice de Galice a entendu les dépositions de 133 témoins et d'une centaine d'experts, appelés à la barre dans le Parc des expositions de La Corogne, spécialement aménagé vu la dimension du procès.

Après les premières journées consacrées aux questions préliminaires, le procès proprement dit commencera en novembre avec les auditions des accusés: le commandant, le chef mécanicien, Nikolaos Argyropoulos, grec lui aussi, ainsi que l'officier en second philippin, Ireneo Maloto, qui n'a à ce jour pas été localisé.

Egalement inculpé, l'ex-directeur de la Marine marchande espagnole, José Luis Lopez-Sors, qui avait décidé de faire éloigner le pétrolier de la côte alors qu'il perdait des milliers de tonnes d'hydrocarbures.

1.500 plaignants se sont regroupés en 55 parties civiles.

Le montant des dommages demandés s'élève à plus de 2,2 milliards d'euros, bien que le préjudice ait été chiffré à 4,121 milliards: 3,862 milliards pour l'Etat espagnol, auxquels s'ajoutent les dommages estimés pour l'Etat français (86,36 millions) et pour diverses administrations et particuliers espagnols (172,86 millions).

Le parquet a réclamé 12 ans de prison à l'encontre du commandant, poursuivi comme les deux autres officiers pour atteinte à l'environnement et à un espace naturel protégé.

Mais les organisations écologistes estiment que les leçons de la marée noire n'ont pas été tirées et que les véritables responsables seront absents.

"Il est évident qu'il manque des gens sur le banc des accusés", affirmait jeudi Jaime Doreste, avocat membre du groupe de défense de l'environnement Ecologistas en Accion. "Les accusations auraient pu être beaucoup plus ambitieuses", a-t-il ajouté, estimant que le directeur de la Marine marchande, seul responsable des pouvoirs publics inculpé, n'avait "pas agi de manière unilatérale, que la chaîne de décisions était arrivée jusqu'à des responsables politiques plus haut placés".

L'avocat cite également l'absence parmi les accusés de la société de classification ABS, qui avait déclaré le navire apte à la navigation.

Ecologistas en Accion s'indigne aussi que des pétroliers à coque à simple (remplacés par des navires à double coque depuis 2009 mais autorisés par l'UE à naviguer jusqu'en 2015, ndlr), comme l'était le Prestige, continuent à naviguer et que les conséquences environnementales de la marée noire restent en partie inconnues.

Une étude scientifique, publiée en 2010, affirmait ainsi que les pêcheurs ayant participé au nettoyage de la pollution présentaient des modifications de leur ADN et des problèmes pulmonaires.

"Nous devons crier 'plus jamais', nous nous demandons quand seront prises les mesures pour éviter réellement que cela se reproduise", lance le coordonnateur de campagne de Ecologistas en Accion, Theo Oberhuber.

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