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Un étudiant révolutionnaire à Alep raconte la torture et les désillusions

Il a tout près de lui une kalachnikov qu'il avoue n'avoir jamais utilisée. "Je ne veux pas tuer", confie Mohammed Shadi avant de raconter l'université d'Alep en ébullition, le basculement dans la violence, la torture et ses désillusions. Il a tout près de lui une kalachnikov qu'il avoue n'avoir jamais utilisée. "Je ne veux pas tuer", confie Mohammed Shadi avant de raconter l'université d'Alep en ébullition, le basculement dans la violence, la torture et ses désillusions.

Il a tout près de lui une kalachnikov qu'il avoue n'avoir jamais utilisée. "Je ne veux pas tuer", confie Mohammed Shadi avant de raconter l'université d'Alep en ébullition, le basculement dans la violence, la torture et ses désillusions.

Caché dans une maison, il vit au rythme des bombardement et des combats à Alep, la deuxième ville du pays où rebelles et soldats de l'armée syrienne se livrent une bataille décisive. Sur son ordinateur, il consulte, captivé, les derniers commentaires mis en ligne sur Facebook ou Youtube, là où tout a commencé pour lui il y a 16 mois.

"Dès mars 2011, j'étais sur les groupes Facebook liés à la Syrie. Nous communiquions par Skype, on s'organisait. A l'époque, je pensais que le régime serait chassé en six mois", dit tristement cet étudiant en ingénierie électronique.

La première expérience politique de ce fils d'enseignants remonte au 15 mars 2011. Ils étaient 400 manifestants tout au plus. Les "chabbihas", les nervis du régime de Bachar al-Assad observent, les policiers sont loin, à 500 mètres.

"Nous avons juste eu le temps de crier deux fois +Allah Akbar+ et les chabbihas ont commencé à frapper", se souvient Mohammed.

"J'avais peur et je n'ai rien dit à mes parents", ajoute ce jeune homme de 24 ans.

Au fil des semaines, Mohammed s'investit de plus en plus dans la contestation. Au départ, il s'agit de défendre Aman Adjar, "un bon professeur que la direction de l'université voulait muter car il dénonçait la corruption".

Premier sit-in à l'université. "Il y avait même des filles" sourit-il. Rapidement, l'université devient le "volcan d'Alep".

Mohammed tague les murs de l'université, de la ville. Aux examens de mai 2011, "nous avons déchiré les copies de l'examen, sommes sortis de la salle et avons incité les autres étudiants à nous imiter".

Au fil des mois, les manifestations se durcissent. "Quand la police balançait des gaz lacrymogènes, nous faisions rouler les canettes de coca sur la chaussée. Les étudiants les récupéraient et s'aspergeaient le visage de coca", pour soulager la brûlure, explique-t-il.

"Durant les manifestations, on reconnaissait les chabbihas. Ils étaient plus vieux et n'avaient pas de livres".

Les chabbihas manient les matraques électriques, les bâtons et les couteaux. "Pour nous défendre, nous leur lancions des pierres mais ils ont commencé à utiliser des armes à feu".

Son meilleur ami, Maher, est détenu durant neuf mois. Mohammed ne dort plus chez lui. Il change fréquemment d'endroit, squatte chez ses amis.

A la rentrée, il contacte des "voyous" pour protéger les manifestants. "Les chabbihas les utilisaient, pourquoi pas nous ?". Il recrute une trentaine d'hommes de main payés 20 dollars par manifestation.

En octobre, il est arrêté en sortant de l'université, son ordinateur fouillé et il est battu quatre jours dans une cellule du renseignement militaire.

Quelques mois plus tard, il manifeste avec 200 étudiants. Les chabbihas tentent de les disperser. "J'ai couru et un coup de feu a claqué. Quand j'ai entendu le chabbiha recharger son fusil à pompe, je me suis rendu", explique-t-il.

Il est alors conduit à la Sûreté militaire: huit jours dans une cellule avec des dizaines d'autres détenus.

Chaque jour, on vient le chercher dans la cellule pour un interrogatoire. Dans le couloir, les coups pleuvent sur Mohammed qui avance, les yeux bandés.

"Es-tu prêt à parler?", lui dit une voix. "J'ai répondu que je marchais dans la rue pour rentrer chez moi", raconte Mohammed.

"Bon, tu ne veux pas parler", lance l'interrogateur. Les coups tombent de nouveau.

"L'interrogateur demandait: +Qui t'a dit où se déroulait la manifestation ? Appartiens-tu à Al-Qaïda? Qui t'a payé pour manifester?+".

Parfois, plusieurs détenus sont alignés, à genoux, les mains ligotés dans le dos, et l'interrogateur pose une question à chacun. "Une mauvaise réponse, c'est 5 ou 10 coups de matraque sur la plante des pieds. Ensuite, il faut courir en rond", se souvient Mohammed.

Au bout de huit jours, un juge prononce sa libération. "J'ai appris qu'on voulait m'exclure de l'université, que j'étais recherché. Alors j'ai voulu quitter le pays", résume-t-il.

Il envoie son frère Ahmed, 21 ans, chercher un passeport à l'administration. Celui-ci fera 20 jours de cachot et sera torturé: matraque, coups de poing, mais aussi décharges d'électricité.

"Je veux partir, demander l'asile politique, aider la révolution mais de l'extérieur", assure Mohammed.

"Bachar finira par partir, mais il faudra du temps pour rétablir la paix. Entre les rebelles et les groupes islamistes, il y a beaucoup d'armes en circulation. Des armes sont distribuées à des gamins de 15-17 ans. C'est ce qui me fait peur", déplore-t-il.

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