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7 mineurs espagnoles en grève sous terre

Des mineurs espagnols en grève dans la mine de Santa Cruz del Sil, dans le nord du pays, le 8 juin 2012[AFP]

Dans la pénombre d'une galerie à 800 mètres sous terre, dans le nord de l'Espagne, sept mineurs couverts de suie jouent aux cartes et tentent de garder le sourire, malgré déjà 20 jours passés reclus ici, pour crier le désespoir de toute une profession.

"Nous resterons jusqu'à ce que l'on trouve une solution", affirme Alfredo Gonzalez, 45 ans, en bleu de travail, casque sur la tête. "Nous sommes décidés à poursuivre la lutte."

"Si cela ne s'arrange pas, nous sortirons les pieds devant", insiste José Antonio Perez, 40 ans.

Depuis trois semaines, les mineurs espagnols sont en grève pour dénoncer les coupes drastiques décidées par le gouvernement dans les aides au charbon. Pour faire entendre leur voix, un groupe de Santa Cruz del Sil, dans la province du Leon, l'une des régions minières du nord du pays, a décidé de s'enfermer au fond d'un puits.

"Un matin, ils sont partis travailler comme d'habitude et ils ne sont pas revenus", raconte Blanca, la femme d'Alfredo qui, comme les autres épouses, vient tous les jours à la mine, sans être autorisée à descendre.

Tout en bas, pour se protéger du froid et de l'humidité, les mineurs ont délimité avec des bâches et du bois un espace de 40 mètres carrés dans la galerie, à trois kilomètres de l'entrée de la mine.

C'est là qu'ils dorment, qu'ils mangent, qu'ils tuent le temps. "Le temps passe très lentement", confie Primitivo Basalo, 40 ans.

Pour Alfredo, "le plus difficile est de respirer, à cause de l'humidité et de la poussière".

C'est d'ailleurs une bronchite qui a obligé l'un de ses compagnons, Eduardo, à remonter à la surface plus tôt que prévu. "Maintenant, le médecin vient nous voir plus souvent", ajoute Alfredo.

Pour les sept hommes restés sous terre, le temps commence à peser. "Le soleil et l'air libre, c'est ce qui nous manque le plus", avoue Primitivo. "Avec nos familles bien sûr".

A côté des matelas gonflables où ils dorment, les uns contre les autres, ils ont accroché des photos de leurs enfants, placardé des messages de soutien.

"Continue à te battre, papa", a écrit l'un des enfants.

Pour tenir, ils comptent sur le soutien de leurs familles, de leurs 120 compagnons, tous en grève, des 8.000 mineurs de charbon espagnols.

Leur mascotte: un canari en cage, baptisé "tromperie", clin d'oeil à cette "énorme injustice" qu'ils ressentent, au moment où le gouvernement de droite s'apprête à injecter des dizaines de milliards d'euros dans les banques, quand il coupe les aides aux bassins miniers: celles-ci doivent passer de 301 millions d'euros en 2011 à 111 millions cette année.

De quoi porter le coup de grâce, selon les mineurs, à un secteur déjà en déclin: 30.000 emplois seraient en péril, dans des régions où des communes entières vivent de la mine depuis plusieurs générations.

Au fond du puits de Santa Cruz del Sil, ce sont les repas, descendus depuis l'extérieur, qui rythment les journées. "Sinon, nous ne saurions pas si c'est le jour ou la nuit", témoigne José Araujo, 41 ans.

Tous les matins, on leur apporte les journaux, où ils suivent le combat de leurs compagnons, qui se poursuit dehors à coup de routes coupées, d'incendies de pneus, de face-à-face avec la police anti-émeutes.

Les 'huit de Santa Cruz', comme ils aiment à se surnommer, sont devenus en vingt jours beaucoup plus que des camarades de travail.

"Nous sommes une grande famille", confie Alfredo. "Nous nous donnons de la force. Quand l'un de nous est triste, nous le prenons dans nos bras", ajoute Primitivo.

Pour ne pas flancher, ils s'accrochent à la routine. Chaque jour, ils marchent pendant une heure ou deux le long des galeries noires et désertes. Pour se doucher, ils utilisent des bidons d'eau chaude apportés de la surface. Un chalumeau sert à réchauffer la nourriture.

Mais ils ne veulent recevoir aucune visite, s'interdisent toute distraction, musique ou films.

"C'est une retraite", explique Alfredo. "Nous ne voulons pas que les gens pensent que nous sommes en vacances".

Dehors, les familles retiennent leur souffle.

"Nous les soutiendrons jusqu'au bout, à 100%, pour le meilleur ou pour le pire", assure Ana Belen, l'épouse de Primitivo. "Nous espérons que ce sera pour le meilleur".

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