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Le phénomène Zapping

Le Zapping[Capture d'écran Youtube]

En 1989, Alain de Greef, alors directeur des programmes de Canal+, lançait le «Zapping», un cocktail d’images extraites des programmes télévisés de la semaine. Plus de vingt ans plus tard, le concept est une institution reprise par de nombreuses chaînes du PAF.

 

Archives – Article publié le jeudi 12 mars 2009

 

Depuis quelques années, le Zapping de Canal+ fait régulièrement des petits. Le 23 février 2009, Virgin 17 lançait «un zapping original, drôle, étonnant et décalé», baptisé Zap’17. En mars 2009, c’est au tour de W9 de proposer le même programme intitulé cette fois-ci AZAP. Même des sites internet ont adapté la formule (jeanmarcmorandini.com, tele7.fr, zap-tele.com...)

L’ampleur du phénomène dépasse tout ce que la chaîne cryptée avait espéré. En septembre 1989, lorsque le Zapping apparaissait à l’antenne de Canal+, son but n’était que de soumettre une fois par semaine un bref condensé (10 minutes) du paysage audiovisuel français. Son origine reste floue. Alain de Greef se serait inspiré du magazine Blob diffusé sur la chaîne italienne Rai 3 à partir d’avril 1989 pour construire le projet. Selon Patrick Menais, responsable des équipes du Zapping, c’est Michel Denisot qui aurait lancé l’idée déjà utilisée dans son émission Demain (1988-1990) pour donner aux téléspectateurs «le grand moment de télé de la veille». Il voulait que les Français aient la possibilité de revoir un extrait d’émission que leur collègue leur avait raconté au travail.

 

Vidéo : Le Zapping de la Guerre du Golfe 1990-1991

 

 

Le succès est immédiat et ne s’est depuis jamais démenti. Le Zapping fut même l’objet dès 1996, d’un spectacle organisé chaque année par l’association Solidarité sida. Comment expliquer cette réussite ? Pour le «zappeur» historique, Patrick Menais, le Zapping est un «petit miroir» de la télévision qui a la qualité d’offrir une rétrospective de la semaine isolée dans le flux incessant d’images que produit aujourd’hui la télévision. «L’image s’est accélérée à un tel niveau que l’on s’interdit de penser sur tout», déclare-t-il.

Les heures de programmes à visionner ont en effet augmenté mais l’esprit, lui, reste le même. Patrick Menais et son équipe disposent encore de l’indépendance née de «l’esprit Canal» des années 1980. Ils sont désormais neuf «zappeurs» à se relayer chaque jour. Deux équipes de deux personnes scrutent chacune un poste TV pendant plusieurs heures avant d’être remplacées en fin de journée. Les sept chaînes historiques du PAF sont privilégiées mais les zappeurs sont désormais attentifs aux nouvelles chaînes de la TNT, du câble et du satellite.

 

Vidéo : Le Zapping en 2013

 

 

Le travail est laborieux mais les milliers d’extraits enregistrés et compilés permettent aux zappeurs de révéler les contradictions du monde actuel et du traitement qu’en font les médias. Paradoxalement, le Zapping considéré comme une alternative et un contre-pouvoir de la télévision utilise aussi ses méthodes, à savoir le choc des images, pour illustrer son propos. En professionnel averti, Patrick Menais sait parfaitement qu’une succession rapide d’images peut devenir un outil de propagande pour faire passer un message. Mais ce dernier se défend de toute manipulation et ne comprend pas «pourquoi il n’existe pas de cours d’analyse de l’image à l’école». Il rappelle simplement que son but est de laisser une trace des événements passés, dans une télévision «qui n’a plus beaucoup de mémoire».

 

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Trois questions à Patrick Eveno, professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste des médias

 

Pourquoi les zappings investissent-ils les chaînes de télévision?

Patrick Eveno : C’est un programme assez bon marché et dans l’air du temps. Les chaînes de télévision pensent que si le téléspectateur porte trop longtemps son attention sur un programme, il va zapper. Le zapping est en fait un anti-zapping, car il permet aux chaînes de garder captif le public pendant un certain temps. Il est aussi un outil pour se moquer des autres chaînes. C’est une forme d’autopromotion.

 

Comment expliquer son succès auprès du public ?

P.E. : Il symbolise le système de la dérision généralisée qui se développe dans les médias audiovisuels. Critique des pouvoirs, des représentations, il permet de montrer erreurs, aberrations et imbécillités diffusées à la télévision. Ce programme illustre également l’individualisation croissante de nos sociétés. Dans cette culture de masse standardisée, le téléspectateur peut, grâce au zapping, picorer des informations à droite, à gauche, pour constituer son territoire personnel avec ses propres références. Le zapping montre que «tous les autres sont des imbéciles et que moi, je peux en rigoler».

 

Pourquoi l’Education nationale ne propose-t-elle pas de cours liés au décryptage de la télévision ?

P.E. : Toutes les études faites sur les différents publics montrent que les gens ne sont pas dupes. Il est vrai que nous ne prenons pas toujours de distance avec les programmes diffusés, mais la formation de l’opinion d’un individu n’est pas dépendante de la télévision. Pour analyser la télévision, il faudrait mettre en place des ateliers dans les écoles, mais l’Education nationale est trop centralisée et autoritaire pour inclure chaque semaine un cours sur le décryptage des médias.

 

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