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Qui est Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature ?

L'écrivaine bélarusse Svetlana Alexievitch est la quatorzième femme à remporter le Nobel depuis sa création en 1901. [(C) Maxim Malinovsky / AFP/Archives]

Ancienne journaliste, la Bélarusse Svetlana Alexievitch a reçu jeudi le prix Nobel 2015 de littérature, succédant au romancier français Patrick Modiano. Portrait d’une femme à l'origine de livres poignants traduits en plusieurs langues dans le monde entier.

 

Des livres autour de thèmes forts comme l'Afghanistan ou le drame de Tchernobyl

Née en 1948 en Ukraine et fille d’instituteurs de campagne, Svetlana Alexievitch s’est notamment intéressée à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et à la guerre en Afghanistan. Ses livres ont été interdits dans son pays qui ne lui pardonne pas le portrait d'un "homo sovieticus" incapable d'être libre. Les ouvrages ont fait l’objet de nombreux spectacles mis en scène en France et en Allemagne. "La Fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement", traduit dans la langue de Molière, a reçu le prix Médicis de l’Essai en 2013.

L’auteur dresse un portrait sans concession mais non sans compassion de l'"homo sovieticus", plus de 20 ans après l'implosion de l'Empire soviétique. "Je connais cet "homme rouge", c'est moi, les gens qui m'entourent, mes parents", déclarait-elle au magazine russe Ogoniok il y a deux ans. Elle ajoutait " qu’aujourd’hui l'Ukraine est un exemple pour tous. Ce désir de rompre complètement avec le passé est digne de respect. (…) Je pense que l'Empire n'a pas encore disparu. Et personnellement, j'ai le sentiment inquiétant qu'il ne disparaîtra pas sans que le sang coule. »
 

Elle crée le débat autour de la femme soviétique

Très vite, elle commence à enregistrer sur son magnétophone les récits de femmes qui ont combattu pendant la Seconde guerre mondiale et en tire son premier roman: "La guerre n'a pas un visage de femme". "Tout ce que nous savions sur la guerre avait été raconté par les hommes (...) Pourquoi les femmes qui ont tenu bon dans ce monde totalement masculin n'ont-elles jamais défendu leur histoire, leurs mots et leurs sentiments?", se demandait-elle. Accusé de "briser l'image héroïque de la femme soviétique", le livre n'est édité qu'en 1985, à l'époque de la Perestroïka, mais il rend Svetlana Alexievitch immédiatement célèbre en URSS et à l'étranger.

Celle-ci utilise toujours la même méthode pour écrire ses romans documentaires, interviewant pendant des années des gens qui ont vécu une expérience bouleversante, que ce soit les soldats soviétiques au retour d'Afghanistan ("Les cercueils de zinc") ou les personnes qui ont tenté de se suicider ("Ensorcelés par la mort"). "Nous vivons entre bourreaux et victimes, les bourreaux sont très difficiles à trouver. Les victimes, c'est notre société, elles sont très nombreuses", souligne l’écrivaine.
   
 

Au Bélarus, ses livres restent dans les cartons

Après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, elle travaille pendant plus de dix ans sur "La Supplication", livre bouleversant fait de témoignages de "liquidateurs" - les milliers d'hommes envoyés sur le site - et d'autres victimes de ce drame. Ce livre est interdit au Bélarus, l'un des pays les plus touchés par les conséquences de Tchernobyl et dirigé depuis 20 ans d'une main de fer par Alexandre Loukachenko. Par conséquent, ses ouvrages ne sortent pas dans les librairies au Bélarus puisqu’ils déplaisent à l'homme au pouvoir.

"Nous vivons sous une dictature, des opposants sont en prison, la société a peur et en même temps c'est une société de consommation vulgaire, les gens ne s'intéressent pas à la politique. L'époque est mauvaise", expliquait-elle il y a deux ans. Les intellectuels bélarusses apprécient moyennement les opinions de cet auteur qui, d'un côté, se réclame de la "culture russe", quand eux cherchent à s'en démarquer, et de l'autre vit la plupart du temps en Europe occidentale, un monde pour lequel ils éprouvent un mélange d'attirance et de répulsion.

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