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Grégoire Delacourt : "Ecrire est un plaisir"

Grégoire Delacourt, auteur de "On ne voyait que le bonheur" paru aux éditions JC Lattès Grégoire Delacourt, auteur de "On ne voyait que le bonheur" paru aux éditions JC Lattès[© Emmanuelle Hauguel]

Après le succès de "La liste de mes envies" et de "La première chose qu’on regarde", Grégoire Delacourt revient en librairie avec "On ne voyait que le bonheur", l’histoire à la fois tragique et pleine d’espoir d’un assureur qui tente de comprendre sa destinée. L’auteur y a vu le moyen de s’interroger sur une société démissionnaire. 

 

Quel a été le déclic de ce quatrième roman ?

Le même que pour le héros : l’annonce que son père va mourir. C’est un point de départ authentique. J’ai voulu évaluer ma relation avec l’autre, ce que j’allais perdre, ce que ça valait tout ça. Puis, je me suis demandé ce que j’allais faire du personnage qui était moi d’une certaine manière. Il y a des personnes dont c’est le métier d’évaluer la vie des gens. Ca vaut quoi la vie de quelqu’un ? Si un enfant meurt, on rembourse combien, sur quelle base ? Je me suis dit que je devais faire du personnage un assureur expert en indemnisation de la vie des gens qui allait se mettre à estimer sa propre vie. Et ce paradoxe, de filtrer la valeur humaine à l’aune de l’argent, était passionnant à explorer.

 

Que vouliez-vous dire de la société à travers lui?

Ma question était : "qu’est-ce qui fait qu’à un moment on n’aime plus sa vie. Comment en arrive-t-on à s’écraser?". Je vois tous les jours autour de moi ou dans les journaux des gens qui n’aiment plus leur vie. Ils n’ont même plus de colère. On est des serpillières. On n’a même plus la force d’aller gueuler. La situation économique est dramatique et il n’y a même pas dix mecs dans la rue pour aller tout casser !... Les politiques se foutent de notre gueule depuis 20 ans, la famille est explosée, décomposée, donc on va où ? On se tourne vers quoi ? J’ai beaucoup regardé comment les gens se désagrègent. C’est une succession de petites choses mises dans un contexte difficile qui font que certains pètent un plomb. Je voulais essayer de comprendre comment un homme arrive à être entraîner dans une bourrasque de drame. Mais je crois à la lumière, à une solution. Je voulais aussi montrer qu’on pouvait s’en sortir si on permettait aux autres de nous aider.

 

Comment vivez-vous la rédaction de vos romans?

Ecrire est un plaisir. J’ai une écriture très joyeuse. C’est physique, charnel, comme un sport. Pendant des mois, ça gamberge dans ma tête. Et quand c’est mûr, l’écriture me libère. Si c’était une douleur, je ferai autre chose. J’ai un métier, je fais de la pub depuis 32 ans. Je n’ai pas besoin d’écrire pour vivre. Le succès est éphémère. Ce n’est pas grave si ça ne marche pas. Je n’ai donc pas de pression. J’écris quand je veux, sur ce que je veux, avec le respect de moi-même et de mes lecteurs. C’est une grande liberté.

 

Pourquoi ce titre, "On ne voyait que le bonheur" ?

C’est une phrase du livre. Quand je l’ai écrite, je me suis dit que c’était ça que je voulais dire. Il y a une menace derrière cette phrase. Parce qu’on sait que ce n’est pas vrai. C’est l’arbre qui cache la forêt. On ne voit pas la souffrance de mon personnage Antoine. Pourtant, il y a des gens qui se fissurent tous les jours et tout le monde s’en moque. Je suis ulcéré du manque de gentillesse. C’est monstrueux.

 

C’est la première fois que vous faites paraître un livre durant la rentrée littéraire.

C’est un choix de l’éditeur. Il a pensé que c’était la bonne période. Je respecte sa décision. C’est son métier. La rentrée littéraire est une période qui focalise des enjeux d’argent, des prix…. Il y a une pression économique derrière tout ça. L’édition ne va pas bien même s’il y a des livres magnifiques qui sortent… et grâce à dieu il en sort beaucoup. Les libraires tirent la langue. Je vais beaucoup en promotion et c’est ce que je constate. C’est très dur. Quand les gens ont des prix, on peut supposer que ça fait vendre. C’est important pour les maisons d’édition de vendre pour pouvoir payer les gens qui vendent moins de livres. Il faut accepter d’investir. La rentrée littéraire est un moment très chouette qui doit rester une fête du livre pour les lecteurs et non une gueguerre des journalistes pour savoir qui a raison. Il ne faut pas qu’il y ait de suspicion autour des livres. Sinon, les lecteurs se tournent vers autre chose.

 

Depuis quelque temps, vous écrivez un blog ?

Je lis beaucoup et j’avais envie de partager ces lectures. De les résumer à ma manière. Mais pas comme un quatrième de couverture, ni comme un journaliste qui fait un papier. J’invite des auteurs, des libraires… Quand je n’aime pas, je n’en parle pas. De quel droit j’irai embêter les gens avec mes états d’âme.

 

L’un de vos romans, "La liste de mes envies", a déjà été adapté au cinéma. L’écriture de scénario vous séduirait-elle ?

Non. C’est un métier différent. Peut-être le ferai-je un jour mais pour l’instant je n’en ai pas envie, j’ai un autre boulot. Ce qui est génial dans un livre, c’est qu’il n’y a pas de budget. Vous pouvez mettre 50 sous-marins, 100 000 chevaux qui traversent la rue ici et dix Miss Monde qui rentrent dans un bar. Si je le fais en film, on aura Miss Sarcelles. Je n’ai rien contre Sarcelles. (rires) J’aime cet "unlimited budget" pour l’instant.  

 

Quels sont vos projets ?

Je voudrais accompagner ce texte en espérant qu’il touche les gens. Et je voudrais soutenir les libraires. J’ai donc beaucoup de dates de promotion. Je suis très militant. Il faut réenchanter la librairie. Quant à écrire, pour l’instant, je n’en ai pas envie. Ce livre m’a vidé. J’en suis sorti orphelin. Physiquement orphelin. Le jour où j’ai terminé le livre, mon père est mort. Maintenant j’ai envie de remplir ma vie, de m’occuper de ma famille.  

 

Pourquoi avez-vous commencé à écrire ?

Les mots sont mon gagne-pain. Quand j’ai monté mon entreprise après avoir été viré en quelques minutes, j’ai mieux gérer mon temps, j’ai eu plus de temps pour moi. Je me suis dit que j’aimerais écrire pour moi et pas pour les autres. Je voulais voir si j’en étais capable. Ce qui m’a semblé, et ce qui me semble encore, insurmontable. Je me demande encore comment on arrive au bout d’un livre. C’est surhumain. Il y a tellement de gens qui essayent et qui n’y arrivent pas. C’est difficile mais c’est ça qui est passionnant. Chaque fois c’est un premier roman. Je louvoie, je cherche. C’est ça qui est beau.

"On ne voyait que le bonheur", de Grégoire Delacourt, éd. JC Lattès, 17 E.

 

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