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Chris Costantini : « sortir des sentiers battus »

Chris Costantini, auteur de "Il n'est jamais trop tard" (Editions Versilio) Chris Costantini, auteur de "Il n'est jamais trop tard" (Editions Versilio)[Versilio]

Auteur de trois romans, pour lesquels il a reçu rien moins que deux prix et une place de finaliste, Chris Costantini sort son quatrième ouvrage. Avec « Il n’est jamais trop tard », polar poétique qui fait le récit d’une nouvelle enquête du détective Thelonious Avogaddro, l’écrivain affirme avoir eu hâte de retrouver son personnage de prédilection.

 

Quel plaisir avez-vous eu à retrouver Thelonious Avogaddro?

C’est un peu un double de moi. Quand il ne lui arrive rien pendant un an, je suis frustré. Je me suis mis à écrire parce qu’après « La Blonde en béton », cinquième roman de Michael Connelly, j’ai été déçu par ses romans suivants. J’ai essayé de trouver d’autres ouvrages de la même veine, mais n’ai rien trouvé. Alors je me suis dit que j’allais en écrire un moi-même. Mon premier roman, "La Note noire", a eu le Prix du Premier Roman Policier du Festival de Beaune. Puis les choses se sont accélérées et maintenant je prépare mon cinquième roman. J’écris parce que j’ai envie de faire voyager le lecteur. J’aime écrire des romans contemporains dans une Amérique où tout est possible, où il y a encore des femmes fatales, des traîtres et où tout se fait à grande échelle dans de vastes paysages. 

 

Ecrire un polar relève-t-il du défi aujourd’hui?

C’est un challenge parce qu’il y a beaucoup de gens qui écrivent, et qui le font bien. Il y a aussi la concurrence du cinéma, des séries télé. Et à chaque fois, il faut que ce soit mieux écrit, mieux documenté, plus palpitant.

 

Comment organisez-vous vos recherches ?

Pour tous mes romans, je me rends sur place. Pour « Il n’est jamais trop tard », je suis allé à San Francisco pour prendre le pouls de la ville. C’est essentiel pour moi parce que ce que j’écris est forcément vérifiable et vérifié. Je suis comme une éponge. Je photographie les lieux et les restitue après. Concernant l’accident d’avion dont il est question dans ce livre, j’ai discuté avec le Responsable Accidents d’Air France.

 

Votre style est énergique et rythmé. Vous utilisez des phrases courtes et employez un langage imagé voire familier. Est-ce une langue intrinsèque au polar ?

Cette langue est ma peinture du polar. C’est comme ça que je conçois le cinéma et les dialogues au cinéma. J’ai eu la chance d’avoir avec moi un vrai éditeur, Versilio, qui est aussi l’éditeur de Marc Levy, qui m’a fait travailler et retravailler mon texte. En outre, je suis joueur de saxophone et mon style est très jazz aussi. Il y a des phrases longues, d’autres plus courtes, des dissonances, de l’amour, de la tendresse…

 

Quelles sont les particularités de votre héros, Thelonious Avogaddro ?

Ce qui est très important pour moi, c’est qu’il soit un héros qui va chercher sa part de féminité. Beaucoup d’hommes ont peur de la part féminine qui est en eux. La mienne, je l’ai découverte il y a dix ans et c’est ce qui m’a permis d’écrire. J’aime ce héros un peu fragile, qui va chercher l’aide des femmes, qui va s’y ressourcer, et qui en même temps possède un instinct redoutable. J’essaie de plus en plus de féminiser mon écriture, d’y mettre un peu de poésie et de tendresse. Je n’aime pas les polars trash, sanguinolents.

 

D’où vous vient cet amour pour le polar ?

J’ai eu mon bac français comme tout le monde mais au grand dam de mes parents, niveau littérature, je n’étais pas très inspiré. Je suis un gamin qui vient de la BD. J’ai eu une enfance de fils unique en Afrique où il y avait des drames mais aussi une espèce de sagesse. Il y a aussi eu des crimes dans ma famille que j’ai découverts bien plus tard. Tous ces ingrédients-là m’ont donné envie d’écrire du polar.

 

Où puisez-vous votre inspiration ?

Je m’enrichis surtout de mon quotidien avec mes quatre enfants, de ce que je vois, de ce que je lis, les faits divers... Pour « Il n’est jamais trop tard », je me suis demandé ce qu’on pouvait se dire dans un cockpit avant de se crasher, si ce dialogue-là ne pouvait pas permettre de faire rebondir l’intrigue d’un roman.

 

Votre précédent ouvrage a été publié en numérique.

Je l’ai d’abord publié en numérique pour sortir des sentiers battus. L’édition numérique permet d’avoir un retour quasi instantané. Savoir comment est perçu son livre est très important pour un écrivain. Il y a deux catégories de lecteurs. Il y a le lecteur papier et le lecteur numérique qui est en train de prendre de plus en plus d’ampleur parce que les gens voyagent de plus en plus et qu’ils n’ont pas envie de partir avec quatre-cinq livres. La tablette ne prend pas un public au papier. Le lecteur papier et le lecteur numérique sont complémentaires. La chaîne littéraire traditionnelle - auteur, agent, maison d’édition, distribution, libraire - a besoin de se réinventer. De grandes librairies fonctionnent encore très bien, mais c’est parce qu’ils ont su inventer un nouveau concept. Je suis un chef d’entreprise et j’essaie de participer à des débats sur l’avenir du numérique, la problématique du libraire et de la distribution. C’est un sujet qui me tient à cœur. J’ai été élevé dans le précepte qu’il fallait toujours se réinventer. C’est comme ça que j’ai passé un accord avec Versilio. Susanna Lea (éditrice et agent littéraire, ndlr) a négocié pour Marc Levy avec Spielberg. Elle a monté une boîte, elle s’est lancée à fond dans le numérique, tout le monde s’est moqué d’elle. Et finalement, c’est elle qui a tout compris. Elle sort à la fois du numérique et du papier et est en train de capter l’ensemble du lectorat.

 

Votre travail intéresse le cinéma et les chaînes de télévision…

On m’a demandé d’écrire pour des séries télévisées et le cinéma me tourne autour. J’ai commencé à intéresser des producteurs. J’ai rencontré l’assistante de Coppola, qui travaille avec lui depuis quinze ans. Elle avait dévoré « La Note noire ». Le projet n’a pas vu le jour finalement pour cause de perte de financement. Je suis aussi en discussion avec une major française. On m’a très souvent dit que j’avais une écriture cinématographique. Le cinéma et la télévision seraient le prolongement tout à fait naturel de mon écriture.

 « Il n’est jamais trop tard », de Chris Costantini, Editions Versilio, 17 E.

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