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La semaine de Philippe Labro : la princesse du roman, les reines de l'info

«Nous voici lancés, là encore, dans une veille – celle des prix littéraires. C’est toujours le Goncourt qui impose le rythme de l’agenda.»[JOEL SAGET / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MARDI 4 OCTOBRE

Si les politiques français s’écharpent à la veille de leurs primaires respectives ; si les fans de foot croisent les doigts à la veille de France-Bulgarie ; si les Américains s’interrogent à la veille du deuxième débat Trump-Clinton ; si les Français de toutes sortes continuent de se préoccuper des deux thèmes majeurs de leur vie quotidienne : chômage, sécurité ; il est un univers qui frétille, frémit, fantasme, ferraille et fulgure, celui du petit monde parisien de l’édition et des livres.

Car nous voici lancés, là encore, dans une veille – celle des prix littéraires. C’est toujours le Goncourt qui impose le rythme de l’agenda. On annonce la deuxième liste des prétendants, il ne reste plus que huit candidats. La dernière sélection sera connue dans vingt jours, pour ce prix qui, à lui seul, peut permettre à un éditeur de «faire son année», et à un auteur d’acheter un appartement.

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Mais cela va plus loin que la simple perspective financière : le Goncourt est un stimulant de lecture. De tous les livres sélectionnés, je n’ai lu jusqu’ici que Chanson douce de Leïla Slimani (éd. Gallimard). Cette jeune femme en est à son deuxième roman. Elle écrit clair et bien, lisible pour tous. Elle possède un sens maîtrisé du récit, de la construction d’une histoire qui vous saisit – celle d’un couple qui engage une nounou pour leurs deux enfants, laquelle, en apparence impeccable, vite devenue irremplaçable, se révèle destructrice, perverse, folle.

C’est très prenant, bien échafaudé, avec cette habileté suprême qui consiste à nous dire, dès le début, comment ça va finir, ce qui provoque chez le lecteur la même sensation qu’on éprouve dans les films d’Hitchcock : c’est le déroulement de l’événement qui nous fascine autant que la personnalité du ou de la «méchante». Hitchcock a toujours dit : «Plus le méchant a du talent, plus le film est réussi.» Je dois aussi dire que Leïla Slimani sait observer notre temps, les failles et lacunes des couples contemporains.

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Les femmes sont peut-être minoritaires dans la deuxième sélection du Goncourt, mais elles sont très présentes dans les librairies. Nous avons, l’autre jour, décerné le prix Matmut du premier roman à Fabienne Périneau pour Un si long chemin jusqu’à moi (éd. Denoël). L’originalité de ce prix est qu’il donne sa chance à un manuscrit d’un ou d’une inconnu(e), jamais encore publié(e), jamais passé(e) par les normes de l’édition.

Mille deux cents manuscrits arrivent chaque année, envoyés des quatre coins de la France par des anonymes et les comités de lecture, mis en place par Jean-Charles Bordaries, en distinguent huit à partir desquels le jury va faire son choix. Ainsi, une actrice, Fabienne Périneau, a gagné avec ce roman du combat d’une femme pour se délivrer d’un homme et trouver sa vérité.

Parlons aussi de deux autres femmes, de vraies professionnelles, déjà souvent publiées, elles, Christine Ockrent (Clinton/Trump, l’Amérique en colère ; éd. Robert Laffont) et Michèle Cotta (Comment en est-on arrivé là ? ; éd. Robert Laffont). Des journalistes d’expérience. L’une raconte cette invraisemblable campagne américaine avec précision et «choses vues» (Ockrent sait «faire le terrain»), et l’autre, Cotta, livre son journal des années de la présidence Hollande, une inépuisable série de dialogues inédits avec tous les acteurs du «chaos politique» français actuel.

Ockrent, entre autres phrases, rappelle un mot de Trump : «Beaucoup de gens se sont moqués de moi au fil des années. Mais, aujourd’hui, ils rigolent moins.» A vrai dire, personne ne rigole beaucoup, en ce bel automne.

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