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La France en pleine guerre, par Jean-Marie Colombani

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Paris martyrisé, la France en guerre : cette réalité brutale et insoutenable a été dite par le président de la République. C’est bien là le sens de ces attentats du 13 novembre : une déclaration de guerre. C’est la principale différence avec les attentats commis en janvier contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher, qui avaient conduit à développer la thèse des «loups solitaires».

Cette fois, nous avons affaire à une «armée», à une opération militarisée, préparée, financée et organisée par Daesh qui est en guerre contre tous ceux qui se réclament de la liberté, des libertés. Les méthodes de Daesh ont un précédent dans l’Histoire : ce sont les méthodes des nazis. Il y a, comme l’a expliqué Eric Leser sur Slate.fr, un précédent à cette barbarie sur le territoire métropolitain : le massacre d’Oradour-sur-Glane en juin 1944. Et la méthode utilisée – «tirer dans le tas» –  a aussi un précédent (à une échelle infiniment plus grande) : la shoah par balles perpétrée en Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Après les attentats de janvier, certains s’étaient ­disqualifiés en proclamant «Je ne suis pas Charlie», au prétexte qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les journalistes de Charlie Hebdo, ou qu’ils ne se sentaient pas solidaires de la communauté juive. ­Aujourd’hui, n’en déplaise à ceux qui voudraient continuer d’ignorer la réalité de cet islamo-nazisme, nous sommes tous français. Les victimes sont mortes parce que françaises. Etait d’ailleurs principalement visée la jeunesse de France.

Cette guerre est difficile, car les terroristes sont forts d’une nébuleuse quasi insaisissable. Ce qui frappe, c’est l’impuissance des services de renseignement. Ces derniers avaient multiplié les alertes, et nombre de responsables évoquaient comme inéluctable la perspective d’un «11 Septembre français». Inéluc­table mais imprévisible, en tout cas qui s’est révélé impossible à prévenir. C’est bien là notre faiblesse ; celle aussi de nos alliés. La campagne de bombar­dements conduite par les Etats-Unis n’a guère permis de faire reculer Daesh sur le territoire qu’il s’est constitué en Syrie et en Irak. Manquent à l’appel à nos côtés, la Turquie qui a, jusque-là, brillé par son ambivalence, la Russie qui préfère frapper d’autres rebelles que Daesh et, surtout, des puissances sunnites car, pour vaincre un ennemi à dominante sunnite, il faudra une réponse sunnite.

«Un attentat décidé à l’extérieur et réalisé à l’aide de complices à l’intérieur», a dit le président de la ­République. Le nombre des personnes fichées (environ 4000, ce qui est considérable) rend impossible leur suivi quotidien et complexe la tâche, pourtant décisive, du renseignement. Ce que l’on est en droit d’attendre de nos gouvernements, alliés inclus, c’est que soit menée une guerre contre ceux qui financent, arment et ­entraînent les terroristes. Les mesures de sécurité prises et amplifiées par l’état d’urgence ne peuvent être efficaces qu’en parallèle avec des actions ciblant les commanditaires de ces crimes.

Ce que l’on est en droit d’attendre de nos représentants, c’est que prévale un véritable mouvement d’unité nationale, celui que nous avions entrevu lors des manifestations du 11 janvier et que nul n’a cherché à concrétiser. L’unité est la seule réponse à l’agresseur, alors que ce dernier spécule sur les fractures de notre société. Dans notre malheur, une chose doit nous redonner confiance : l’extraordinaire mouvement de solidarité, planétaire, celui-là, qui a vu se parer de tricolore Londres, New York, Mexico, ­Sydney… Preuve qu’aux yeux du reste du monde, nous sommes toujours «liberté, égalité, fraternité», selon les mots du président Obama. 

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