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La marche du siècle

Place de la République, à Paris, le 12 janvier.[MARTIN BUREAU / AFP]

Le peuple de France a fait bloc comme jamais après la série d’attentats de la semaine dernière. Une mobilisation inédite, marquée par la venue à Paris de quarante-quatre dirigeants étrangers.

 

Après le séisme, le raz-de-marée. Jamais, dans l’histoire de France, un mouvement n’avait autant regroupé. Les marches républicaines organisées dimanche à travers tout le pays ont rassemblé au moins 3,7 millions de personnes, selon les chiffres dévoilés dans la soirée par le ministère de l’Intérieur.

Une mobilisation telle, qu’à Paris, de la place de la République, près du siège de l’hebdomadaire meurtri, à la place de la ­Nation, le nombre de citoyens à s’être déplacés n’a pu être compté précisément par les autorités. Il était estimé entre 1,2 et 1,6 million. Une foule immense à laquelle se sont ajoutés les plus de 2,5 millions de Français réunis partout en province. Avec, partout, le même commentaire : le pays n’avait rien connu de tel depuis la Libération.

Un ­moment «extraordinaire», «historique», même «inouï», commentait dimanche soir le Premier ministre, Manuel Valls. Bouleversée par la vague d’attentats perpétrés la semaine dernière à la ­rédaction de Charlie Hebdo, à Montrouge et à la Porte de Vincennes, la France s’est donc dressée comme un seul homme dans la rue pour faire front contre la barbarie, et défendre la liberté et la démocratie.

 

Une marée de «Charlie»

Les familles des victimes étaient entourées de l’ensemble de la société française : responsables politiques, repré­sentants des communautés juives, musulmanes et chrétiennes, syndicats, personnalités, mais aussi, et surtout, simples citoyens : tous ont mis de côté leur peur et répondu à l’appel, derrière le cri de ralliement «Je suis Charlie».

Le président Hollande avait d’ailleurs, à juste titre, prédit que «le pays tout entier allait se lever vers ce qu’il a de meilleur». Le mouvement ­parisien, qui n’a pas connu d’incident malgré les craintes des autorités, avait d’ailleurs pris de l’avance sur l’horaire de la marche, ­annoncée pour 15h : dès la fin de la matinée, la place de la République était déjà envahie. Un simple prélude à ce qui allait ­arriver dans les heures qui ont suivi : peu à peu, un flot humain s’est déversé à perte de vue, drapeaux tricolores sur les épaules et crayons géants à la main, les citoyens applaudissant les forces de l’ordre venues les protéger.

«La République contre le fanatisme», pouvait-on lire sur une pancarte, et là «Faites l’humour, pas la guerre». Ou encore, plus loin, des «Not afraid» déterminés. Sans compter les personnes qui n’ont pas forcément pu prendre part au mouvement, mais qui ont contribué à le rendre historique. Comme ce conducteur de métro s’adressant à ses passagers entassés hier matin : «Je suis vraiment heureux de travailler aujourd’hui et de vous emmener à la manifestation républicaine». 

 

 

Paris, la capitale du monde

L’espace d’un dimanche, Paris est devenue la capitale de la planète. La chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre britannique David Cameron, son homologue espagnol Mariano Rajoy, le chef du Conseil italien Matteo Renzi, mais aussi le Premier ­ministre israélien Benyamin Netanyahou, le président palestinien Mahmoud Abbas et le président malien Ibrahim Boubacar Keïta… Quarante-quatre chefs d’Etat et de gouvernement ont ­répondu à l’appel de François Hollande pour être présents dimanche.

Un rassem­blement diplomatique historique pour condamner d’une seule voix la barbarie, alors que les messages de soutien à la France ont afflué du monde entier ­depuis mercredi dernier, après la tuerie à Charlie Hebdo. Reçues à l’Elysée en début d’après-midi, ces personnalités ont rejoint, en car, la marche répu­blicaine. Nicolas Sarkozy et plusieurs ex-chefs de gou­vernement, de Michel ­Rocard à Jean-Marc Ayrault, en passant par Alain Juppé étaient à leurs côtés.

 

Unis bras dessus, bras dessous

Un dispositif de sécurité hors norme ayant été mis en place, mobilisant 2 200 policiers près de la place de la République, le cortège a ensuite pu s’aligner dans la rue pour une minute de silence, afin de rendre hommage aux victimes des attentats. Puis il s’est mis en marche, quelques mètres derrière les familles des victimes, durant une vingtaine de minutes. Serrés bras dessus, bras dessous, les dirigeants ont alors formé un véritable barrage érigé contre la haine, affichant leur unité aux yeux de la planète entière. Mais aussi la détermi­nation de l’Europe à ne pas céder à la peur : «(Elle) va gagner le défi contre le terrorisme», a assuré Matteo Renzi. 

 

 

Les investigations se poursuivent

En marge de l’émotion, les questions sont encore nombreuses. Car si les terroristes sont hors d’état de nuire, leur parcours doit maintenant être décor­tiqué. Comment ont-ils été formés, où se sont-ils armés ? Ont-ils agi sur ordre ? Et comment ont-ils réussi à passer entre les mailles du filet ? Des questions auxquelles d’éventuels complices pourraient répondre.

À commencer par Hayat Boumedienne, la compagne d’Amedy Coulibaly, qui a très probablement adhéré à la radicalisation du tueur, voire l’a encouragée. Entrée en Turquie le 2 janvier, elle serait en Syrie. Des liens ont été établis entre elle et la compagne de Chérif Kouachi, avec plus de 500 ­appels téléphoniques passés en 2014.

Ces connexions entre les terroristes ont été confirmées par une vidéo mise en ligne dimanche. Un homme, présenté comme Coulibaly, y assure avoir synchronisé son action avec les frères Kouachi. Une autre piste mène à l’ex-émir de la filière des Buttes-Chaumont. L’homme était jusqu’à récemment infirmier à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où ont été pris en charge les blessés de Charlie Hebdo.

 

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