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Mont-Blanc: quand l'ego atteint des sommets

Des alpinistes sont bloqués par le passage d'une avalanche lors de leur ascension du Mont-Blanc, le 29 juillet 1994, à Chamonix (Haute-Savoie) [Pierre Bessard / AFP/Archives] Des alpinistes sont bloqués par le passage d'une avalanche lors de leur ascension du Mont-Blanc, le 29 juillet 1994, à Chamonix (Haute-Savoie) [Pierre Bessard / AFP/Archives]

A l'instar de ce père américain partant à l'assaut du Mont-Blanc avec ses deux enfants, certains alpinistes ont transformé le sommet en "terrain de jeu" pour assouvir leur soif d'ego, une dérive parfois dangereuse, déplorent des professionnels de la montagne.

"Sur le Mont-Blanc, on a tout vu", soupire Denis Crabières, président du syndicat national des guides de montagne.

De la tentative avortée de descente en voiture à celle dans une poêle à paella en passant par les risque-tout en VTT et le développement du trail, M. Crabières ne semble presque pas étonné par la vidéo choc mettant en scène un père de famille américain Patrick Sweeney et ses deux enfants de 11 ans et 9 ans, à l'assaut du couloir du Goûter (vers 3.700 m).

Diffusée sur la chaîne américaine ABC News, on peut y voir les enfants, attachés à leur père, être emportés par le début d'avalanche et commencer à glisser dans la pente.

Cette mésaventure médiatisée a déclenché l'ire du maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex qui a déposé plainte contre le père pour mise en danger de la vie d'autrui: "On siffle la fin de la récréation".

Surpris par la polémique, le père qui se présente comme un "adrenaline junkie", a précisé avoir voulu "battre le record du monde des plus jeunes alpinistes atteignant le sommet" pour "récolter des fonds pour un orphelinat local"...

- "Record de stupidité" -

"Il a surtout battu un record de stupidité", ironise Denis Crabières.

"C'est choquant mais cela reste un cas très isolé", souligne Christophe Boloyan, président de la Chamoniarde, une association de prévention et de secours en montagne.

Pour lui, "les règles sont généralement suivies par les alpinistes car personne n'a envie de mourir".

M. Boloyan convient cependant que la réputation internationale du Mont-Blanc, qui attire chaque année près de 25.000 personnes à la belle saison, a transformé le sommet en objet de "consommation", une "cour des miracles", selon Jean Annequin, un guide reconnu.

Un alpiniste gravit le Mont-Blanc, par la "Voie Royale" , le 30 juin 2011 [Jean-Pierre Clatot / AFP/Archives]
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Un alpiniste gravit le Mont-Blanc, par la "Voie Royale" , le 30 juin 2011

"Il a une dimension symbolique forte et on y trouve des alpinistes qui perdent le sens des réalités et la raison", complète Olivier Obin de la "coordination Montagne", un collectif d'associations françaises, suisses et italiennes.

Ces professionnels s'étonnent ainsi du niveau de préparation physique ou d'équipement de certains alpinistes ne sachant par exemple peu ou pas s'encorder, voir mettre leurs crampons.

Ces cas de figure restent cependant "une minorité", insistent les professionnels interrogés par l'AFP. "Le vrai visage de la montagne, ce n'est pas ça. L'alpinisme ne se résume pas à la bêtise d'une minorité", plaident-ils.

- "Hurluberlus de plus en plus nombreux" -

"Mais il existe aussi des alpinistes expérimentés qui devant le symbole +Mont-Blanc+ abdiquent tout esprit critique, et parce qu'ils viennent de loin ou parce qu'ils constatent la présence d'autres cordées, refusent de faire demi-tour alors que les conditions météo l'exigeraient", reconnaît-il.

Sur la voie normale d'ascension du Mont-Blanc, 74 alpinistes sont morts entre Tête Rousse et le refuge du Goûter de 1990 à 2011, selon un décompte de la fondation Petzl.

Et la grosse centaine de secours réalisés l'été par le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix sur le plus haut sommet d'Europe est à rapporter aux 200 personnes qui y crapahutent quotidiennement.

Selon le PGHM, une quarantaine de personnes en moyenne perdent chaque année la vie sur tout le massif. Un environnement extrême où le risque zéro n'existe pas.

Un hélicoptère du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) survole les Alpes, le 6 mars 2014 [Gaizka Iroz / AFP/Archives]
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Un hélicoptère du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) survole les Alpes, le 6 mars 2014

Citant le cas de cet alpiniste polonais, qui pour son confort personnel, a demandé aux secours en montagne à être redescendu en hélicoptère dans la vallée depuis le Mont-Blanc, le maire de Saint-Gervais, estime pourtant que les "hurluberlus sont de plus en plus nombreux". "Ils devraient être attaqués au portefeuille, en rendant payant les secours +de confort+ ou en instaurant une taxe avant l'ascension".

"Historiquement la haute montagne n'est pas administrée. Est-ce que cela serait une solution? Je ne sais pas", s'interroge Olivier Obin. "Mais cet espace est tellement grand que ça serait très compliqué."

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