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Le succès de l'info télé en continu, ou l'excitation du suspense

Des millions de Français ont pris goût aux flots des télévisions en direct [Thomas Samson / AFP/Archives] Des millions de Français ont pris goût aux flots des télévisions en direct [Thomas Samson / AFP/Archives]

Plateau au coeur d'une manif, caméra plantée des heures devant la porte fermée de la maternité du "bébé royal", traque de Mohamed Merah, images d'hélicoptère ou de drones... Des millions de Français ont pris goût aux flots de direct de BFMTV et i-Télé, auxquels s'ajouteront ceux de LCI si elle devient gratuite.

"Devant la porte fermée de la maternité, le téléspectateur attend que la porte s'ouvre: on est dans le suspense", commente François Jost, professeur en Sciences de la communication et de l'information à Paris III, qui vient de publier "Pour une télévision de qualité" (INA Editions).

"La force du direct est celle de l'incertitude. Les chaînes d'info en continu ont redonné une force considérable au reportage en direct que seule la télévision est capable de faire. Dans sa lutte contre internet, cela reste un point fort de la télévision".

"Le fait d'être en direct fait qu'on se dit que le temps fera s'accomplir quelque chose. Un peu comme une impatience enfantine, celle des enfants dans un train qui demandent quand on arrive", souligne-t-il.

Les chaînes d'info françaises, BFMTV, i-Télé ou LCI cumulent environ 3% de l'audience, avec 300.000 personnes au quart d'heure moyen, dont 200.000 sur BFMTV, qui fournit 18 heures de direct, avec des pics d'audience allant jusqu'à un million de personnes le matin.

-les micro-événements envahissent les infos-

En une journée, ces chaînes voient passer quelque 10 millions de téléspectateurs. Leurs moyens techniques ont considérablement évolué depuis 7 ou 8 ans, avec une transmission instantanée banalisée.

Les télévisions qui diffusent de l'actualité en direct séduisent des millions de Français [Pascal Guyot / AFP/Archives]
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Les télévisions qui diffusent de l'actualité en direct séduisent des millions de Français

"L'attente du futur, peut-être la surprise de l'inattendu, sont irremplaçables, ils sont la base de tout récit depuis l'Antiquité. Face aux chaînes en direct, même les réseaux sociaux n'interviennent qu'après ce qui vient d'arriver", ajoute l'expert.

"La chaîne d'info en continu structure le temps pour réaliser un récit, avec des épisodes. Mais cela peut aboutir à construire en événement des choses dérisoires, ou qui ne montrent rien", avertit-il.

"Cela entraîne une banalisation des événements, une modification de la hiérarchie: pour un direct, ces chaînes mettent en avant des événements qui ne l'auraient jamais été sans cela, par exemple des conférences de presse mineures. Elles doivent presque +inventer+ des événements", explique-t-il.

Journalistes et reporters d'images qui s'agglutinent devant l'hôpital de Grenoble après l'accident de Schumacher le 1er janvier 2014 [Jean-Pierre Clatot / AFP/Archives]
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Journalistes et reporters d'images qui s'agglutinent devant l'hôpital de Grenoble après l'accident de Schumacher le 1er janvier 2014

"Ces micro-événements envahissent les infos, car cela rejaillit aussi sur les grandes chaînes", regrette-t-il, citant le cas de la jeune Rom kosovare expulsée Leonarda, filmée à son retour au Kosovo par BFMTV qui a mis en scène une réponse en direct de la jeune fille au le président François Hollande.

Toutefois , fait-il remarquer, "les gens dans l'écran construisent eux aussi l’information. Ils cherchent à faire du visuel, comme ces manifestants qui brandissent le cercueil d'une loi ou ceux qui brûlent des voitures, comme une mise en scène de leur colère".

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