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A Toulouse, un an de vie commune pour 140 sans-abri à "La réquisition"

Une femme dort avec ses enfants dans un ancien bureau d'EDF, "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014 [Eric Cabanis / AFP] Une femme dort avec ses enfants dans un ancien bureau d'EDF, "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014 [Eric Cabanis / AFP]

C'est le plus grand bâtiment "réquisitionné" par des associations à Toulouse, un squat qu'on dit "exemplaire": 140 adultes et enfants d'une dizaine de nationalités vivent depuis plus d'un an, en bonne intelligence, dans des bureaux promis à la démolition.

A quelques pas des terrasses de cafés, au bord de la Garonne, "la réquisition du quai Saint-Pierre" se fait discrète derrière une longue façade ancienne de briques roses.

"Il y a encore des gens du voisinage qui ne savent pas qu'il y a une réquisition ici", assure Sébastien Oget, militant du Collectif d'entraide et d'innovation sociale (Cedis).

Longtemps étiqueté "SDF" et logé en camion, cet homme de 44 ans fait aujourd'hui office de concierge ultra-dévoué du lieu.

Depuis août 2013, il y vit lui-même avec sa fille de sept ans aux côtés d'une trentaine de familles. Et dans "l'ancien bureau d'un DRH" (directeur des ressources humaines) de la société EDF, ses meubles "de récup" sont du plus bel effet.

140 adultes et enfants d'une dizaine de nationalités vivent dans un squat, ancien bureau d'EDF "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014 [Eric Cabanis / AFP]
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140 adultes et enfants d'une dizaine de nationalités vivent dans un squat, ancien bureau d'EDF "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014

Au rez-de-chaussée, sa voisine a 78 ans et elle l'appelle "mon fils". "J'ai trouvé la paix, ici", dit Catherine, Libérienne passée par les États-Unis puis l'Espagne avant d'échouer "par hasard" à Toulouse. A son arrivée, elle dormait dans la gare. "J'avais souffert, beaucoup. Mon argent était terminé. Et voila tout ce que je portais", dit-elle, allant chercher un pantalon et un chemisier de coton blancs.

La vieille dame apparaît élégamment vêtue d'une robe noire chinée par Sébastien. Ses jambes sont "bloquées" et elle craint de sortir: "On pourrait me mettre en prison parce que je n'ai pas de papiers, pas de ticket de bus." Mais elle vit presque tranquillement, entre la cuisinière et le lit que lui ont apportés "des gens très gentils".

- Enfants scolarisés dès trois ans -

Au deuxième étage, derrière chaque porte de bureau, apparaît un logement provisoire bien rangé, avec un napperon sur le téléviseur, une grosse peluche sur un lit d'enfant...

"Il fait beau", "il est minuit": des phrases en français s'affichent dans une pièce habitée par une famille venue de Mongolie. "C'est ma fille de 14 ans qui les a écrites. Elle est depuis six mois à l'école en France", dit Enebishbaatar Khaliunaa, 35 ans.

L'harmonie semble bien régner ici. Même si des vitraux de l'entrée ont dû être protégés par des planches car des types au crâne rasé étaient venus pour les briser. "Rentrez chez vous les bougnoules", avaient-ils crié, en lançant des boules de pétanque.

140 adultes et enfants d'une dizaine de nationalités vivent dans un squat, ancien bureau d'EDF, "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014 [Eric Cabanis / AFP]
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140 adultes et enfants d'une dizaine de nationalités vivent dans un squat, ancien bureau d'EDF, "réquisitionné" par des associations à Toulouse, le 9 juillet 2014

Le lieu a un règlement, connu et appliquée. Les enfants doivent être scolarisés dès trois ans. On dit que "celui qui arrive éméché doit aller directement dans sa chambre" et le seul homme à avoir déclenché une bagarre a été expulsé.

Une fois par semaine, la plupart des habitants vont chercher un colis alimentaire aux "Restos du coeur". Une association apporte des palettes de fruits et légumes. Une autre offre des bicyclettes.

"Entre les Roumains et les Bulgares, il y avait toujours une petite tension, note Sébastien, mais quand on a déménagé ici, les Roumains ont prêté leurs voitures aux Bulgares et maintenant, ils jouent aux cartes ensemble."

Car ce bâtiment est le quatrième occupé depuis que des associations ont lancé, au printemps 2013, leur "campagne de réquisition" et le précédent squat n'avait tenu que trois mois.

Cette fois, l'expulsion est prévue le 30 juillet. Mais la mairie se veut conciliante, d'autant que les projets immobiliers sur ce site apparaissent controversés.

"Lorsque le bâtiment réquisitionné est bien toléré par le voisinage, il est plutôt laissé à la disposition des personnes jusqu'à ce que les travaux commencent", dit le professeur de médecine Daniel Rougé, nouvel adjoint en charge des solidarités auprès du maire de droite, Jean-Luc Moudenc (UMP).

Le collectif, lui, occupe depuis le début du mois un nouveau bâtiment public: 28 appartements laissés vacants depuis 2012, propriété du ministère de la Défense. En attendant qu'une vente du bâtiment soit conclue et une expulsion ordonnée, il espère avoir "un an de répit" pour y loger des sans-abri.

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