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Le théâtre au vitriol des auteurs grecs au festival d'Avignon

L'actrice grecque Maria Chekagioglou lors de la répétition de la pièce "Vitriol" de Yannis Mavritsakis montée par Olivier Py au festival d'Avignon, le 8 juillet 2014 [Boris Horvat / AFP] L'actrice grecque Maria Chekagioglou lors de la répétition de la pièce "Vitriol" de Yannis Mavritsakis montée par Olivier Py au festival d'Avignon, le 8 juillet 2014 [Boris Horvat / AFP]

Avec trois pièces, "Vitriol", "Nature morte" et "La ronde du carré", trois générations d'auteurs témoignent au festival d'Avignon de la vitalité et des difficultés du théâtre grec dans un pays asphyxié par la crise.

Monté à Athènes en 2013 par Olivier Py, à l'invitation du Théâtre national de Grèce, "Vitriol" de Yannis Mavritsakis, 50 ans, est présenté en grec sous-titré au Festival d'Avignon.

"Quand je suis arrivé en Grèce il y a un an et demi, j'ai trouvé un pays détruit", témoigne le directeur du festival. "Et j'ai trouvé extraordinaire que dans ce pays, on trouve encore de l'énergie pour faire du théâtre."

La pièce, très sombre, décrit une tragédie familiale dans un monde qui s'effondre. Elle fait le constat d'une génération sacrifiée.

Le plus jeune des trois auteurs grecs présentés à Avignon fait justement partie de la génération qui a pris la crise de plein fouet. Manolis Tsipos, 35 ans, est une figure du théâtre expérimental grec. Il vit depuis 4 ans à Amsterdam. Sa pièce "Nature morte" a pour cadre une ville insurgée, "qui pourrait être Athènes", dit-il, et tisse une métaphore autour de la ville comme corps.

L'insurrection mise en scène par Michel Raskine avec les jeunes étudiants de l'Ecole de la Comédie de Saint-Etienne fait étrangement écho au mouvement des intermittents qui secoue le festival d'Avignon, autant qu'aux manifestations violentes des deux dernières années à Athènes.

Les acteurs Pericles Moustakis (g),  Charis Tzortzakis (2ed) et Kitty Paitatzoglou lors de la répétiion de la pièce grecque "Vitriol" mise en scène par Olivier Py le 8 juillet 2014 au festival d'Avignon [Boris Horvat / AFP]
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Les acteurs Pericles Moustakis (g), Charis Tzortzakis (2ed) et Kitty Paitatzoglou lors de la répétiion de la pièce grecque "Vitriol" mise en scène par Olivier Py le 8 juillet 2014 au festival d'Avignon

"C'est vrai qu'il y a une correspondance entre la pièce, et le moment spécial que traverse le festival", reconnaît Manolis Tsipos. "On est dans un moment historique de demande de changement. Mon texte parle d'une transformation de la ville, de la naissance d'un nouveau contrat social. Mais c'est toute l'Europe qui a besoin d'un nouveau contrat social!" s'exclame-t-il.

- Système D -

Manolis Tsipos a grandi dans les années fastes de l'expansion de la classe moyenne grecque, à partir de l'obtention en 1998 des Jeux Olympiques de 2004. En 2006, il crée avec son ami Vassilis Noulas la compagnie Nova Melancholia, ses pièces sont représentées partout, au Théâtre national, au festival d'Athènes, à la biennale.

La pièce grecque "Vitriol" mise en scène à Avignon par Olivier Py décrit une tragédie familiale dans un monde qui s'effondre, et fait le constat d'une génération sacrifiée. Ici, répétition générale le 8 juillet 2014  [Boris Horvat / AFP]
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La pièce grecque "Vitriol" mise en scène à Avignon par Olivier Py décrit une tragédie familiale dans un monde qui s'effondre, et fait le constat d'une génération sacrifiée. Ici, répétition générale le 8 juillet 2014

A partir de 2010, "tout s'effondre, le ministère de la Culture a même été aboli!" rappelle-t-il. Il a été rétabli en 2013, "mais c'est une blague: seules les grandes institutions ont des subventions, le théâtre de création ne touche absolument rien".

- L'Etat retiré de la culture -

S'il travaille à Amsterdam, Vassilis Noulas est resté à Athènes. "J'essaie de continuer", témoigne-t-il à l'occasion de son passage à Avignon où il est venu pour le festival. "Je trouve des solutions en dehors du système, par exemple en montant des spectacles dans mon appartement, ou en squattant un vieux théâtre au centre d'Athènes".

"On ne peut pas délivrer de billets mais on demande une contribution libre, ça se répand en Grèce, cette économie non monétaire", dit Vassilis Noulas.

L'Etat s'étant "retiré complètement", la culture est désormais financée par des riches fondations privées, comme le Centre Onassis, la fondation Niarchos.

"Ces fondations vont faire la politique culturelle, puisque l'Etat n'existe plus", constate-t-il. "Cela risque d'instaurer une forme de monopole sur la culture".

"L'art devra être efficace, rentable", renchérit Manolis Tsipos. "Le problème, c'est que la création expérimentale irrigue la culture au sens large, qui risque à son tour de s'assécher", observe-t-il.

L'aîné des trois auteurs, Dimitris Dimitriadis, 70 ans ("La ronde du carré"), est pour Olivier Py "le plus grand poète grec vivant". "Il est dans une situation paradoxale, il est connu comme un très grand poète, notamment grâce au festival organisé sur son oeuvre au théâtre de l'Odéon (2009-2010), mais il n'a jamais été joué au Théâtre national d'Athènes par exemple. Il est connu mais pas reconnu comme il devrait l'être."

"Vitriol" de Yannis Mavritsakis, 10 au 19 juillet

"Nature morte. A la gloire de la ville", de Manolis Tsipos, 9 au 12 juillet.

"La ronde du carré" de Dimitris Dimitriadis, 22 au 25 juillet.

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