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Procès en révision à Nîmes: l'avocat général se démarque de l'accusation

Abdelkader Azzimani (c), Abderrahim El Jabri (g) et leur avocat Jean-Marc Darrigade durant leur procès en révision devant les Assises du Gard à Nîmes, le 3 juillet 2014
 [Sylvain Thomas / AFP] Abdelkader Azzimani (c), Abderrahim El Jabri (g) et leur avocat Jean-Marc Darrigade durant leur procès en révision devant les Assises du Gard à Nîmes, le 3 juillet 2014 [Sylvain Thomas / AFP]

L'avocat général Didier Durand a affirmé jeudi lors du procès en révision devant les assises du Gard à Nîmes qu'il "ne soutient pas l'accusation" contre Abdelkader Azzimani et Abdelrrahim El Jabri, condamnés à vingt ans de réclusion pour le meurtre d'un jeune dealer à Lunel (Hérault).

"Le ministère public a une impression. Il a une intime conviction. Mais il doit s'appuyer sur des preuves. La conscience de ma fonction m'interdit de soutenir l'accusation dès lors que les éléments ne permettent pas de prouver leur culpabilité. On ne peut pas rentrer en voie de condamnation sans preuve irréfutable", a assuré M. Durand, sans toutefois jamais prononcer le mot acquittement.

M. Azzimani, 49 ans, et M. El Jabri, 48 ans, dont la culpabilité pour le meurtre d'Abdelazziz Jhillal, dit Azzouz, tué le 21 décembre 1997 de 112 coups de couteau, sur fond de trafic de 5 kg de résine de cannabis, avait été confirmée en appel le 25 juin 2004, ont passé 12 et 13 ans derrière les barreaux. Ils ont obtenu l'annulation du verdict le 15 mai 2013 par la cour de révision, après le revirement d'un témoin et la mise en cause d'un nouveau suspect lors d'une expertise ADN.

Le 23 novembre dernier, la cour d'assises à Montpellier a condamné Michel Boulma, 34 ans, et Bouziane Helaili, 36 ans, à 20 ans de réclusion pour "assassinat" dans cette affaire. Ils ont assuré mardi qu'Azzimani et El Jabri n'étaient pas sur les lieux du crime.

La présidente Geneviève Perrin a cependant annoncé qu'elle avait décidé de sa propre autorité d'ajouter une question subsidiaire pour "complicité d'homicide volontaire".

Les parties civiles sont divisées sur la culpabilité des accusés.

"Mon intime conviction se base sur la téléphonie. Si on ne l'appelle pas (la victime), c'est qu'on sait qu'il est mort", a fait valoir Me Hugo Ferri, avant de reprendre une phrase de Boulma, condamné qui n'a pas fait appel mais nie avoir donné des coups de couteau: "Il y a des gens à l'extérieur qui savent plus de choses que moi".

Me Bruno Ferri est resté sur la même ligne que son fils, soulignant que les accusés cherchaient la victime "pour lui casser la gueule".

"Le mécanisme de cette boucherie, c'est un milieu où l'argent compte plus que tout, l'argent à n'importe quel prix", a-t-il ajouté, estimant lui aussi que le problème de la téléphonie, en l’occurrence un appel non effectué sur un Tatoo (service de radiomessagerie de l'époque) "signait la culpabilité".

-'Où sont les preuves ?'-

"J'ai écouté votre plaidoirie, précise. Mais où est la démonstration ? Où sont les preuves ? Ces preuves sont très fragiles. Il faut des preuves pour soutenir des thèses, nous ne sommes plus au niveau des indices", a relevé le magistrat.

Deux autres parties civiles ont en revanche penché pour la thèse de l'acquittement au bénéfice du doute. "J'ai des doutes et ma conscience m'oblige à le dire. On ne peut bâtir une culpabilité sur des doutes", a affirmé Me Rémy Nougier

"Je ressors de ce procès sans savoir qui sont les auteurs. Au nom de l'intérêt supérieur de la justice, je préfère avoir un coupable libre qu'un innocent condamné", a renchéri Me Khadija Aoudia.

"Je n'ai pas dans ce dossier de certitude. Je me pose des questions. Je ne vous crois pas. Je crois que vous appartenez à un milieu où la violence est sous-jacente et que vous ne dites pas tout mais encore une fois c'est une impression", a repris le magistrat à l'attention des accusés, relevant encore une fois "le manque de preuve crédible" pour l'accusation.

Aux yeux de Didier Durand, ce procès est d'autant plus emblématique qu'il intervient après une décision de la cour de révision qui représente "une porte étroite" après les condamnations. "Si la cour de révision a décidé d'annuler la condamnation, c'est un signe fort", a-t-il estimé

Le verdict est attendu dans la journée.

Seulement huit condamnés pour crime ont obtenu un acquittement depuis 1945 au terme d'une procédure de révision.

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