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Manifeste pour les milliers d'enfants réfugiés en France

Une famille de réfugiés syriens arrive à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle [Stéphane de Sakutin / AFP/Archives] Une famille de réfugiés syriens arrive à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle [Stéphane de Sakutin / AFP/Archives]

Cauchemar, mutisme, trouble relationnel: les souffrances de milliers d'enfants, déracinés par la guerre ou les violences, sont négligées en France, avertissent des spécialistes jeudi, à l'occasion de la journée internationale de soutien aux victimes de la torture.

Sur les 66.000 nouvelles demandes d'asile déposées en 2013, près de 15.000 concernaient des mineurs accompagnant leurs parents, contre 10.000 environ en 2010.

"Ils sont de plus en plus nombreux, mais on les connaît mal", souligne Eléonore Morel, directrice générale du Centre Primo Levi, spécialisé dans l'accueil et le soin de victimes de la torture, qui publie un "manifeste" pour ces "enfants oubliés".

Si les mineurs étrangers isolés sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, les enfants arrivés avec leurs parents ne bénéficient d'aucune "prise en charge spécifique", ajoute-t-elle.

Pourtant leurs besoins sont énormes, selon la responsable : "ils ont fui leur pays en laissant leur enfance derrière eux, ils arrivent après un long parcours d'errance et se trouvent ici dans une grande instabilité".

Logés souvent en hôtel social, brinquebalés d'une école à l'autre, avec des parents sans ressources, ces enfants ne sont pas dans de bonnes conditions pour surmonter leurs traumatismes.

"Ils développent alors plusieurs symptômes: agressivité, énurésie (incontinence urinaire nocturne, ndlr), insomnies", relève Armando Cote, responsable de l'espace enfants et adolescents du Centre Primo Levi. "Ils peuvent aussi avoir des troubles du langage, de la mémoire, des bégaiements. D'autres deviennent mutiques, s'enferment, ne veulent plus créer de liens par peur d'avoir à les couper de nouveau".

-'Elle a grandi d'un coup'-

A son arrivée en France, une jeune fille syrienne de onze ans a souffert d'une extinction de voix, confie sa mère. "Elle avait la gorge tellement nouée, elle ne pouvait pas parler". A Damas, avant de partir, son école avait été bombardée. La famille a alors pris la route de l'exil mais le père est resté coincé en chemin.

"Les premiers mois, je la trouvais en larmes dans sa chambre en train de regarder des photos". Aujourd'hui, la fillette va mieux. "Elle est forte, elle fait d'énormes efforts. Quand je suis déprimée, elle me dit de ne pas m'inquiéter... Elle a grandi d'un coup".

Pour le Centre Primo Levi, c'est une des difficultés de l'exil: les rôles s'inversent trop souvent. Par exemple, les enfants, qui apprennent rapidement un peu de français à l'école, se retrouvent à jouer le rôle de traducteur pour leurs parents et sont exposés à des conversations d'adultes.

Ainsi, un enfant a dû servir d'interprète lors d'une consultation gynécologique de sa mère, qui avait été violée dans son pays, relate Mme Morel. Or, "l'insouciance de l'enfance s'arrête quand on a accès à la mort et à la sexualité", souligne M. Cote.

Pour ces professionnels, outre les soins médicaux pour les enfants, il faut donc "aider les parents sur le plan matériel pour qu'ils puissent reprendre leur rôle de parents", notamment en mettant plus d'interprètes dans les structures d'accueil (hôpitaux, sécu...).

Alors que le gouvernement s'apprête à présenter une vaste réforme du système d'asile, le Centre Primo Levi plaide aussi pour une généralisation de l'hébergement des familles dans les Centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Ces structures, qui proposent un accompagnement sur place, sont saturées et n'accueillent à l'heure actuelle qu'un tiers des demandeurs.

Le Centre demande également une revalorisation de l'aide temporaire d'attente (ATA, environ 11 euros par jour et par adulte) qui prenne en compte la composition familiale des foyers.

"Mais surtout, il faut rendre visibles ces enfants, avec des études épidémiologiques, pour qu'ils soient inclus dans les plans de santé mentale", estime Mme Morel.

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