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Laïcité: la justice referme le feuilleton Baby-Loup

L'entrée de la crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, le 3 juin 2014 [Estelle Emonet / AFP/Archives] L'entrée de la crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, le 3 juin 2014 [Estelle Emonet / AFP/Archives]

La Cour de cassation doit confirmer ou annuler mercredi le licenciement pour faute grave d'une salariée voilée de la crèche Baby-Loup, décision qui mettra un point final devant la justice française à ce conflit du travail devenu emblématique dans le débat sur la laïcité.

La décision de la haute juridiction, qui a examiné le 16 juin le dossier en assemblée plénière, s'imposera après six ans de procédure. En novembre, l'ex-salariée de la crèche fondée en 1991, qui accueille des enfants de familles monoparentales et souvent défavorisées, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, s'était dite toutefois prête à aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Licenciée en 2008 après avoir refusé de retirer son voile de retour d'un congé parental, Fatima Afif avait été déboutée à deux reprises. Mais dans un arrêt de mars 2013, vivement critiqué, la chambre sociale de la Cour de cassation lui avait donné raison, estimant que "s'agissant d'une crèche privée", le licenciement constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses".

Puis le 27 novembre suivant, la cour d'appel de Paris avait résisté à la Cour de cassation et confirmé le licenciement, jugeant que la crèche pouvait être qualifiée "d'entreprise de conviction en mesure d'exiger la neutralité de ses employés".

S'il estime que cette notion ne peut pas être retenue, le procureur général de la haute juridiction Jean-Claude Marin a préconisé le rejet du pourvoi de Mme Afif et donc la confirmation de son licenciement. Pour lui, la restriction de la manifestation des convictions religieuses prévue par le règlement intérieur de Baby-Loup peut se justifier car celui-ci vise à atteindre "l'objectif légitime de la protection du droit à la liberté de conscience des enfants".

Devant l'assemblée plénière, les deux parties ont plaidé pour la cinquième fois dans cette affaire "qui marquera l'histoire de la laïcité", de l'avis de Richard Malka, l'un des avocats de la crèche.

- 'Interdire à tout prix' -

A supposer que le licenciement soit confirmé, "ce ne sera pas pour les motifs retenus par la cour d'appel de Paris" en novembre, prévient un des conseils de Mme Afif, Michel Henry. "Cela signifiera qu'une quatrième juridiction aura trouvé une quatrième motivation pour interdire à tout prix le voile à la crèche", dit l'avocat qui voit là une "volonté tenace de restreindre l'affichage des libertés religieuses des musulmans dans l'entreprise".

Par ce licenciement disciplinaire, Mme Afif a "vécu une atteinte à sa dignité", avait plaidé son avocate devant la haute juridiction, Claire Waquet. Selon elle, la crèche aurait dû s'en séparer pour "trouble objectif causé à l'entreprise", une forme de licenciement "non disciplinaire, non fautif et non stigmatisant".

Pour l'avocat de l'établissement Patrice Spinosi, "l'affaire Baby-Loup a déjà eu raison de la crèche Baby-Loup". Cible de "pressions", l'association a quitté Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, fin 2013, pour rouvrir dans la ville voisine de Conflans-Sainte-Honorine.

Elle a été "attaquée de tous côtés", par des "ennemis plus puissants et mieux organisés qu'elle", avait ajouté Me Spinosi, visant "des revendications communautaires". "La laïcité est pour Baby-Loup une condition essentielle et déterminante de son activité", dans un quartier pauvre, avait-il poursuivi devant la vingtaine de magistrats issus de toutes les chambres de la Cour de cassation.

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