En direct
A suivre

Un plan pour freiner le départ de jihadistes en Syrie

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à Paris le 10 avril 2014 [Martin Bureau / AFP/Archives] Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à Paris le 10 avril 2014 [Martin Bureau / AFP/Archives]

Pour tenter de freiner le mouvement de départ de jihadistes français vers la Syrie, le gouvernement va présenter mercredi de nouvelles mesures mais fait face à un phénomène difficile à enrayer, estiment des experts.

Il est prévu de rétablir pour les mineurs l'obligation d'une autorisation parentale de sortie du territoire, à destination de la Syrie ou des pays de transit, mais les moins de 18 ans sont si peu nombreux parmi les centaines de volontaires partis ou en partance que cette initiative n'aura que peu de conséquences.

Laurent Fabius avait évalué mardi matin leur nombre à quelque 500.

Le ministre des Affaires étrangères ainsi que l'un des quatre journalistes libérés le week-end dernier, Nicolas Hénin, ont évoqué le fait que certains des geôliers des ex-otages parlaient bien le français.

François Hollande a promis mardi que la France prendrait "toutes les mesures pour dissuader, empêcher, punir ceux ou celles" qui seraient tentés par le jihad (...) La France déploiera tout un arsenal, en utilisant toutes les techniques, y compris la cybersécurité, pour lutter contre ce phénomène".

Une source gouvernementale a indiqué la semaine dernière que le conseil des ministres de mercredi allait "mettre en musique" des mesures préconisées le 24 mars lors d'un conseil restreint de défense tenu à l'Elysée, autour du chef de l'Etat, consacré au phénomène jihadiste français à destination du front syrien.

Afin de tenter d'endiguer le flux, le gouvernement prévoit d'engager des campagnes de sensibilisation, en collaboration avec les municipalités et l'Education nationale, ainsi que de créer "des cellules à destination des familles concernées par les radicalisations", a précisé la même source.

Selon un membre des services antiterroristes, qui demande à ne pas être identifié, c'est souvent par les familles que les autorités sont prévenues de la radicalisation d'un jeune homme. S'il est majeur, cela ne veut pas dire qu'il sera facile ou même possible de l'empêcher de partir pour la Turquie puis, clandestinement, pour la Syrie.

- 'Surexposition médiatique' des mineurs -

Il est en effet aisé de se rendre dans la région frontalière entre la Turquie et la Syrie en voiture ou en bus depuis la France, pour éviter les contrôles aux aéroports, et de rester ainsi sous le radar des enquêteurs.

Les autorités travaillent, sur la base d'un texte de loi datant de 1792, à la possibilité de refuser à certains suspects la délivrance d'un passeport, indique un haut fonctionnaire travaillant sur le dossier, qui demander à rester anonyme.

Le rétablissement de l'autorisation parentale de sortie du territoire peut compliquer le départ de mineurs, mais ils sont si peu nombreux sur le nombre de candidats au jihad en Syrie que cela aura une influence négligeable sur le phénomène, estime le chercheur Dominique Thomas, spécialiste de l'islamisme radical à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.

"La surexposition médiatique des cas de mineurs partis pour la Syrie a transformé l'opinion publique, qui a tendance à penser que cela ne concerne que les mineurs", dit-il. "Or les mineurs ne sont qu'une infime minorité, leur rôle est négligeable. C'est une mesure certes souhaitable, mais qui ne changera rien au problème".

Mardi Laurent Fabius a assuré sur RTL que "notre action consiste à prendre les choses depuis l'amont jusqu'à l'aval. L'amont, c'est déceler tous ceux, en particulier les jeunes, qui sont portés vers cette dérive tragique. Cela suppose une cyber-surveillance parce que beaucoup de choses se font sur internet".

Les sites jihadistes et ceux qui les fréquentent sont surveillés, poursuit Dominique Thomas, "mais à moins de criminaliser le simple fait de les consulter, comme c'est le cas pour les sites pédophiles, cela ne permettra pas non plus d'enrayer le phénomène".

"Le cœur du problème est qu'on ne peut pas arrêter quelqu'un sur de simples intentions", conclut le chercheur. "Simplement avoir l'intention de partir faire le jihad, avant d'avoir fait quoi que ce soit, n'est pas pénalement répréhensible. Il faut engager des efforts de pédagogie et de dé-radicalisation, qui ne peuvent fonctionner qu'à long terme".

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités