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Le propriétaire de Laguiole sûr de son bon droit

La commune de Laguiole souhaite voir reconnues "une spoliation", une pratique commerciale "trompeuse" et une "atteinte à son nom, à son image et à sa renommée" [Rémy Gabalda / AFP/Archives] La commune de Laguiole souhaite voir reconnues "une spoliation", une pratique commerciale "trompeuse" et une "atteinte à son nom, à son image et à sa renommée" [Rémy Gabalda / AFP/Archives]

Il écrase, exaspéré, une cigarette et soupire entre deux volutes: "Cette histoire, ça fait juste pleurer le pékin moyen, qui m'insulte ensuite sur internet!" Gilbert Szajner, qui exploite commercialement le nom "Laguiole" depuis 20 ans, balaie les attaques dont il est la cible.

Son coup de maître: avoir déposé dans le monde entier, en 1993, la marque "Laguiole", nom du célèbre village aveyronnais, mais surtout des couteaux éponymes qui y sont fabriqués depuis le XIXè siècle.

Cet homme de 65 ans est depuis le seul à pouvoir commercialiser ce terme, qu'il concède sous licence à 22 entreprises. "Plus d'un millier" de produits sont selon lui labellisées "Laguiole": linge de maison, vêtements, chaussures, briquets ou barbecues.

Le 4 avril, la cour d'appel de Paris a débouté la commune de Laguiole, 1.300 habitants, qui souhaitait voir reconnues "une spoliation", une pratique commerciale "trompeuse" et une "atteinte à son nom, à son image et à sa renommée".

"On dit: +il a volé le nom d'une ville !+ Mais qu'est-ce qu'une commune vient faire dans ce business ?", s'insurge Gilbert Szajner, cheveux clairsemés, barbe cendrée et lèvres fines, en enchaînant les cigarettes dans sa résidence de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne).

Il n'a "rien à cacher", affirme-t-il, mais reste vague sur ses revenus: "c'est pas énorme", "ça nous permet de vivre", "on n'a ni maison de campagne, ni villa à la mer."

Tout juste concède-t-il que les licenciés lui reversent "5% à 10%" de leur chiffre d'affaires et qu'avant Saint-Maur-des-Fossés, il possédait "un très bel appartement rue Saint-Honoré", dans les beaux quartiers de Paris.

Issu d'une "famille militaire", ce natif de Niort raconte être passé par des écoles parisiennes et américaines, puis avoir exercé "un mauvais job" pendant 15 ans chez Lafarge. "J'allais dans les filiales pour des plans sociaux, pour réorganiser", explique-t-il.

- Versailles, Saumur et string -

Dans les années 80, il se spécialise dans la céramique, crée sa structure et croise un jour Pierre Cardin qui lui met, dit-il, "la puce à l'oreille" en évoquant les licences.

Il pense à Laguiole, dont il connaissait "les couteaux, mais pas le village", et dépose la marque après "une étude marketing".

Depuis, il fait "une chasse systématique à tout ceux qui déposent une marque avec le terme Laguiole" pour des produits manufacturés, à l'exception notable des couteaux, dont le nom est considéré comme générique. Coût annuel de la défense de sa marque: "40.000 à 50.000 euros".

Parmi ses marchés phare, il cite l'Allemagne, le Japon et les Etats-Unis, qui s'arrachent notamment "les casseroles et les lunettes". Ses couteaux, fabriqués selon lui à Thiers (Puy-de-Dôme) et Shenzen (Chine), ne représentent que "20% du chiffre d'affaires".

Il prétend que globalement "plus de la moitié" de ses produits Laguiole sont "made in France" et que son activité a permis de créer 400 emplois dans le pays. "Et pourtant, je suis le vilain petit canard", peste-t-il, affirmant recevoir quotidiennement des courriels d'insultes.

Avec la commune de Laguiole, il dit avoir "essayé d'arrondir les angles" en proposant un partenariat. "Quand est-ce que vous arrêtez vos trucs et qu'on commence à faire des choses ensemble?", demande-t-il.

Ce pilote amateur d'hélicoptère, qui se plait à égrener ses connaissances passées --l'ancien patron de Renault Georges Besse, les frères Bogdanoff, le boulanger Lionel Poilâne ou le journaliste Paul Wermus-- avoue avoir tenté, sans succès, d'autres "coups": "Versailles", pour des parfums, mais aussi "Saumur", "Saint-Briac" ou "piercing". "Ma femme a même déposé +string+", dit-il.

Cette Japonaise, rencontrée "il y a 27 ans", est aujourd'hui à la tête des deux sociétés qui gèrent les licences Laguiole.

Gilbert Szajner a un fils avec elle et deux autres filles "d'un premier lit", mais aucun ne va prendre sa suite. Combien revendrait-il son affaire? Il rit, tousse et fume à nouveau: "Plus de 10 et moins de 30", répond-il. En millions, bien sûr.

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