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Au procès de jeunes Corses, un prévenu décrit une vie en sursis

José Allegrini, avocat de Ange Marie Michelosi, le 19 février 2014 au tribunal de Marseille [Bertrand Langlois / AFP/Archives] José Allegrini, avocat de Ange Marie Michelosi, le 19 février 2014 au tribunal de Marseille [Bertrand Langlois / AFP/Archives]

Personnage central d'un procès corse pour trafic de drogue et détention d'armes à Marseille, Ange Marie Michelosi, qui a perdu père et tante dans des règlements de comptes, a décrit lundi un quotidien passé à échapper à d'éventuels assassins.

"Tous les matins quand je me lève, je ne sais pas si ça va être mon dernier jour": depuis le meurtre de son père en juillet 2008 et de sa tante Marie-Jeanne Bozzi, ancienne élue tombée sous les balles en avril 2011, le prévenu de 25 ans, originaire du village d'Albitreccia (Corse-du-Sud), vit dans la peur d'être pris pour cible à son tour.

Une vigilance de tous les instants, de multiples "précautions", "pas de lieu de vie attitré", des changements de voiture en cours de trajet, des "coups de sécurité" selon son expression, pour tromper l'ennemi, des perruques pour se grimer: Michelosi, physique banal et fort accent corse, a livré le récit d'une existence "conditionnée" par les décès de ses proches.

Seule échappatoire, des déplacements sur le continent pour "se promener et boire un café en terrasse", autant d'activités interdites car trop risquées à Ajaccio.

"Les réponses sont compliquées parce que ma vie est compliquée. Des faits qui peuvent paraître suspects à vos yeux, c'est ma vie", relève-t-il, niant toute implication dans un quelconque trafic de drogue, malgré la découverte de courriers compromettants, d'un arsenal ainsi que d'une dizaine de kilos de cannabis et 500 grammes de cocaïne.

Une partie du dossier du procès d'une dizaine de personnes pour trafic de drogue sur fond de règlements de comptes entre clans, au tribunal correctionnel de Marseille le 19 févirer 2014 [Bertrand Langlois / AFP/Archives]
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Une partie du dossier du procès d'une dizaine de personnes pour trafic de drogue sur fond de règlements de comptes entre clans, au tribunal correctionnel de Marseille le 19 févirer 2014

"Vous me dites que je suis un chef de clan, c'est pas vrai!", s'emporte le jeune homme, longuement interrogé par la présidente du tribunal correctionnel, Emmanuelle Bessone, sur la base des surveillances menées pendant plus d'un an jusqu'à son interpellation le 14 février 2012. "La drogue, j'y ai jamais touché, j'y toucherai jamais, j'ai pas été élevé comme ça", insiste-t-il.

Se tournant vers ses coprévenus - huit hommes et une femme, âgés de 24 à 50 ans -, il explique les connaître pour la plupart "depuis tout petit". "J'ai grandi avec eux, on a vécu ensemble, on a partagé le même lit. C'est plus que de l'amitié, c'est de la famille. C'est grâce à eux si je suis vivant aujourd'hui", affirme Ange Marie Michelosi, surnommé "le gros".

- "Bronzés" et "Mentalist" -

Condamné par le passé pour détention et transport d'armes, il a également réfuté tout lien avec la bande du "Petit Bar", du nom d'un ancien café d'Ajaccio propriété de son père, qui était présenté comme le leader de ce groupe criminel. Lui a "refusé la succession" et ironise-t-il, "je ne suis pas un observateur du banditisme corse, je ne suis pas Jacques Follorou", auteur d'ouvrages de référence sur la mafia insulaire.

Quant à ses relations avec l'ancien militant nationaliste Alain Orsoni et son fils Guy, sur fond de règlements de comptes, elles ne lui causent "aucun souci". "Guy Orsoni, quand on se croise en prison, pas plus tard que samedi, on se dit bonjour, il n'y a pas d'inimitié entre nous", raconte-t-il. "On veut me plonger dans le mythe de la vendetta, c'est vendeur".

Pressé de s'expliquer sur ses agissements, l'homme, dépeint comme "courtois et cultivé", s'agace: "j'ai pas mémoire de ce que j'ai fait trois ans en arrière. C'est comme si je vous demandais ce que vous avez mangé le 21 janvier 2011!".

Il met en doute aussi les procès-verbaux des policiers, raille les suppositions des enquêteurs - "ça c'est le travail du +Mentalist+ qui, je savais pas, était en poste à Ajaccio", s'amuse-t-il en référence à la série américaine.

Les cagoules et gants en latex retrouvés? Ange Marie Michelosi a réponse à tout: pour se protéger du froid en moto, pour bricoler... "On ne tourne pas un épisode des bronzés font du banditisme", lance-t-il, volontiers provocateur, à la présidente du tribunal, qui entendra les réquisitions mardi.

"J'espère que dans dix ans on sera tous là pour en parler, c'est pas sûr", conclut-il, sous les applaudissements de ses compagnons de box.

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