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Gueule de bois post-apocalyptique à Bugarach

Le village de Bugarach, le 20 décembre 2012 [Eric Cabanis / AFP/Archives] Le village de Bugarach, le 20 décembre 2012 [Eric Cabanis / AFP/Archives]

Le 21 décembre 2012, Bugarach brillait sous les feux de l'actualité mondiale parce qu'il allait échapper à la fin du monde. Un an après, le minuscule village audois a repris un peu groggy sa petite vie tranquille alors que le compte à rebours de la prochaine apocalypse a déjà commencé.

Sous le pâle soleil de décembre, les ruelles de Bugarach sont désertes, hormis la camionnette d'un boucher des alentours où viennent se ravitailler les habitants. Car si cette localité de 200 âmes est riche en rumeurs, elle n'a ni charcuterie, ni boulangerie et la poste n'est ouverte que le matin.

Il y a un an, des dizaines de gendarmes étaient sur le pied de guerre. Les habitants excédés étaient terrés chez eux. Plus de 300 journalistes du monde entier se filmaient les uns les autres à défaut de mettre en boîte la foule d'illuminés que craignait de voir débarquer le maire Jean-Pierre Delord.

Car le seul visionnaire présent est un gars du cru bien connu dans cette région qui ne manque pas de légendes, attire les mystiques de tous poils et où les habitants voient de temps à autres des ovnis. Ravi, Oriana, un "designer de soucoupes volantes", livre alors à tous les micros son interprétation de l'apocalypse, en fait une révélation qui "fait l'effet de 10.000 orgasmes d'un coup".

Une belle kermesse

Des personnes déguisées devant le pic de Bugarach le 21 décembre 2012 [Eric Cabanis / AFP/Archives]
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Des personnes déguisées devant le pic de Bugarach le 21 décembre 2012

Bugarach est l'objet d'un extraordinaire tapage médiatique depuis qu'en 2010, Jean-Pierre Delord a dit sa hantise de voir débarquer des vagues d'illuminés soucieux d'échapper à la 183e apocalypse prédite depuis la chute de l'Empire romain. Bugarach et son pic majestueux, point culminant du massif des Corbières avec ses 1.231 mètres, figurent parmi les lieux sacrés qui échapperaient à la fin du monde, prétendent les prophètes de l'internet librement inspirés du calendrier maya.

Las, "la fin du monde, elle est pour nous. Plus personne ne s'intéresse à nous", dit aujourd'hui d'une boutade Jean-Pierre Delord. Il assume avoir tiré la sonnette d'alarme. "J'ai mis la pression à travers les médias pour que les autorités assurent la sécurité du village et ça a marché", dit-il. "C'était un non événement qui était un événement quand même. C'était une belle kermesse, on a bien rigolé".

Un soufflé qui retombe

Dès le 22 décembre, tout est "retombé comme un soufflé", confirme le sous-préfet de Limoux, Sébastien Lanoye. "Bugarach et ses alentours ont repris la petite vie calme qui est la leur même s'il y a dans les environs des populations un peu marginales".

De fait, disent les habitants, les touristes ne sont pas venus en masse voir à quoi pouvait ressembler ce village dont on avait tant parlé. Mais ils veulent y voir la patte du mauvais temps au printemps et de la crise économique.

Des femmes déguisées en extraterrestres à Bugarach, le 21 décembre 2012 [Eric Cabanis / AFP]
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Des femmes déguisées en extraterrestres à Bugarach, le 21 décembre 2012

Sigrid Benard, gérante de la Maison de la randonnée fermée pour l'hiver, explique qu'en dépit du retour de sa clientèle de randonneurs et "d'ésotériques" qui avaient fui le bruit et la fureur, la saison a été mitigée.

"Il y a eu des retombées économiques et il y en aura encore", assure le maire. Le village, qui dispose d'une centaine de lits marchands, compte sur la beauté intrinsèque de la nature, sa colonie de vautours et ses orchidées sauvages, pour attirer les touristes. Et aussi sur son pech au profil inoubliable qui cacherait un "garage à ovnis", réputé envoyer des ondes magnétiques.

Patrice Étienne, gérant du relais de Bugarach (vente de souvenirs et excursions), veut rebondir avec "l'écotourisme" et jouer la carte de l'environnement et de l'histoire dans cette région cathare, où bon nombre recherchent encore le mystérieux magot de l'abbé Béranger Saunière, dans le village voisin de Rennes-le-Château.

En attendant, sur internet, divers apôtres de l'apocalypse y vont déjà de leur prédiction pour la prochaine fin du monde même si les dates invoquées varient grandement.

Jean-Pierre Delord a reçu une lettre lui expliquant que tout le monde s'est trompé dans l’interprétation du calendrier maya et qu'en réalité, l'apocalypse, c'est pour 2027.

Pour l'instant, un autre décompte attend le maire, élu au premier tour depuis 1977. A 70 ans, il se présente pour la "dernière fois" aux municipales sans "boule de cristal" pour en prédire l'issue.

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